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C’est pas du cinéma!

Hollywood, c’est les strass et les paillettes. Mais depuis mai dernier, fermeture des rideaux: le tapis rouge a fait place à la lutte des classes. En effet, les projecteurs sont braqués sur les quelque 11500 scénaristes, soutenus par le puissant syndicat des auteurs Writers Guild of America, qui se sont mis en grève. Ils demandent de meilleures rémunérations face aux bénéfices exorbitants engrangés par les producteurs et les grands studios, mais pas seulement. La nouveauté dans ce conflit, c’est l’inquiétude des travailleurs liée à l’intelligence artificielle et à ses probables conséquences dans cette industrie. En effet, quoi de plus simple pour un outil comme ChatGPT de produire un script, sans aucune intervention humaine? Voilà pourquoi les grévistes exigent des normes et des protections solides, face à la menace de pertes massives d’emplois. Il y a aussi le problème des plateformes de streaming (Disney+, Prime Video, Paramount, et j’en passe), dont la consommation a explosé ces dernières années. Il s’avère que ce mode de diffusion ne se voit pas appliquer les droits de rediffusion, comme dans le cas d’un film classique qui sort sur grand écran. Et ça, ça pèse dans le porte-monnaie des auteurs.

Aujourd’hui, toute l’industrie du cinéma américain est complètement paralysée. Les acteurs ont rejoint le mouvement à la mi-juillet – du jamais-vu depuis 1960 –, et malgré une reprise des discussions entre les deux parties au mois d’août, aucun accord ne semble se dessiner. Tout est à l’arrêt. On ne tourne plus, on n’écrit plus, les acteurs ne font plus aucune promotion. Silence radio. Cette mobilisation bat le record de la grève des scénaristes de 2007-2008 qui avait duré 100 jours et coûté 2,1 milliards de dollars à l’économie californienne. Les grévistes font preuve d’une mobilisation exemplaire et d’un courage inouï, car la fatigue est là, tout comme la chaleur qui a étouffé la Californie une bonne partie de l’été. «The show must won’t go on» – le spectacle ne va pas continuer –, peut-on lire sur certaines pancartes. Une détermination à toute épreuve boostée par le soutien de l’opinion publique, car fin août, 72% des Américains disaient soutenir le mouvement, selon un sondage. «Les studios vont devoir décider s'ils sont prêts à sacrifier une année de profits pour nous priver de 2% de leurs bénéfices, déclarait un scénariste gréviste à FranceInfo. Je ne comprends pas cette stratégie d'économies de bouts de chandelles.»

Au-delà du glamour, Hollywood est un haut lieu de luttes collectives. Il y a eu la grève de plusieurs semaines des animateurs chez Disney en 1941. Celle des décorateurs quatre ans plus tard qui a duré 231 jours. Les scénaristes ont aussi croisé les bras en 1960, en 1973, en 1981, en 1988 et en 2007, comptabilisant presque un an et demi de grève au total! Très inégalitaire, le secteur met en avant des célébrités, et en coulisses, place à la précarité. Aujourd’hui pourtant, ils parlent tous d’une même voix. La magie du cinéma…