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Le travail du samedi n'a pas passé chez Givaudan!

Les négociations pour le renouvellement de la CCT ont battu un record de longueur, mais au final, la résistance a payé

La direction voulait introduire le travail du samedi dans la convention collective. Mais les travailleurs n'en ont pas voulu et l'ont fait savoir par deux fois. Après 14 mois de difficiles négociations, la nouvelle convention est sous toit, sans travail du samedi et avec une innovation: un congé paternité de cinq jours!

Quatorze mois de négociations! C'est le temps qu'il a fallu pour conclure la nouvelle Convention collective de travail (CCT) chez Givaudan Suisse SA à Vernier (GE). Un record, de mémoire de syndicaliste, pour les négociations avec cette firme productrice de parfums qui emploie 359 travailleurs sur son site genevois. L'enjeu était de taille, et la résistance du personnel a permis d'éviter une péjoration des conditions de travail.
«L'entreprise voulait faire tourner ses machines six jours sur sept, jour et nuit, au lieu des cinq actuels, et introduire le travail du samedi dans la CCT, mais elle n'y est pas parvenue» se réjouit Sylvie Cristina-Reichlin, secrétaire syndicale à Unia Genève. Pour le personnel, le travail du samedi était tout simplement inacceptable, et il l'a dit haut et fort à l'occasion de deux votes, en avril puis en octobre dernier. «Nous avons toujours dit qu'avec une meilleure organisation, nous pourrions faire face à des surcharges de travail. Nous n'avons jamais été écoutés», explique Frédéric Loyrion, président de la délégation syndicale depuis 3 ans. Une délégation qui compte plus de 30 personnes, dont 25 délégués des différents secteurs de l'entreprise. «Au début des négociations, poursuit-il, la direction n'avait même pas proposé de compensation pour le travail du samedi, ce n'est qu'après 9 mois et un premier vote négatif des travailleurs qu'elle est venue avec une enveloppe.»

Non ferme des travailleurs
Ces négociations avaient débuté fin 2007, l'ancienne CCT arrivant à échéance le 31 mars 2008. Le premier vote des travailleurs sur le travail du samedi a eu lieu en avril. Lors de ce vote, qui a connu une forte participation, 92% des travailleurs l'ont refusé. La direction, qui avait pourtant dit qu'elle respecterait l'avis des travailleurs, a maintenu sa revendication. Un second vote a eu lieu, en octobre, sous les auspices de l'inspectorat du travail, la direction remettant en cause le résultat du premier vote. Et là, plus de 64% des gens ont à nouveau dit non au projet patronal.
C'est finalement une nouvelle CCT sans le travail du samedi qui a été acceptée le 27 janvier dernier, en même temps que l'accord salarial pour 2008. Un accord qui prévoit une hausse des salaires, rétroactive, de 2,25%.
«Ces longues négociations ont connu de multiples épisodes, résume Sylvie Cristina-Reichlin. Elles ont été très dures. Et durant ces 14 mois nous avons dû discuter sans directeur des ressources humaines en face de nous! La direction a également voulu geler les salaires d'embauche dans la CCT. Une irresponsabilité totale dans le contexte actuel de la libre circulation. Finalement, le rapport de force a été décisif. La nouvelle CCT a été acceptée, mais plus de 42% du personnel l'a refusée. En votant non, les travailleurs étaient prêts à prendre des mesures de lutte. Nombre d'entre eux sont remontés contre la direction.»

Pressions
«Les négociations étaient effectivement très tendues», confirme Frédéric Loyrion, qui explique que la direction a joué la carte de la désinformation et des pressions sur les membres de la délégation syndicale, notamment à l'encontre d'un délégué déplacé à un autre poste de travail, et d'un second qui a été changé d'équipe. «Durant de longues semaines, le climat a été détestable au sein de l'usine» note-t-il. Mais après ce long bras de fer, «le personnel a obtenu ce qu'il voulait: maintenir le travail sur 5 jours et les 3 fois 8 heures».
Quelques améliorations sociales ont aussi pu être introduites dans la nouvelle CCT. Frédéric Loyrion salue en particulier l'introduction d'un congé paternité de 5 jours. Certaines primes pour les employés ayant charge de famille ont été légèrement augmentées, et un lifting nécessaire d'une poignée d'articles a été accepté. Par contre, certaines revendications, comme l'augmentation de la participation patronale aux primes maladie, n'ont pas pu être satisfaites, ce que regrette le représentant du personnel. Quant à la hausse de salaires pour 2008, il note que la direction «aurait pu être plus généreuse pour une année qui a été très pénible en matière de surcharge de travail et d'organisation».  

Reconstruire le dialogue
Si Frédéric Loyrion reste optimiste face à la crise, qui pour l'heure touche peu la branche, il signale toutefois que les investissements du groupe Givaudan ont été diminués par deux en fin d'année dernière et qu'un gel des engagements du personnel, y compris lors de départs naturels, a été décidé. «Des rumeurs circulent sur des éventuelles baisses de commandes, mais nous n'avons reçu aucune information. Notre priorité aujourd'hui, c'est de mettre à profit les 2 ans que va durer la CCT pour essayer de reconstruire le dialogue avec la direction.»

Sylviane Herranz