Aller au contenu principal
Menu

Thèmes

Rubriques

abonnement

Un voyage aux portes de la mort au moment de donner la vie

En mettant au monde son troisième enfant, Emma Otero a vécu une expérience de mort imminente

«J'étais très angoissée. Je pensais que j'allais mourir. Et tout à coup, en lâchant mes peurs, j'ai eu la sensation de partir... mais dans les deux sens. J'avais la sensation d'avancer et de reculer en même temps. Il faisait noir, avec une lumière au loin. C'était comme un tunnel. Je me sentais portée, entourée, protégée, aimée. Je ne me suis jamais sentie aussi bien de ma vie...» Emma Otero a encore le visage qui s'illumine lorsqu'elle parle de son expérience de mort imminente (EMI ou NDE en anglais) vécue il y a 26 ans déjà. Mais le temps est bien relatif, surtout dans cette autre dimension. «Cela a duré une seconde ou une vie», sourit-elle.
Pour les médecins, environ une heure; entre le moment où Emma a perdu connaissance suite à une hémorragie postnatale et celui où elle est revenue à elle. «Vers la lumière, il y avait un homme, mon grand-père je pense. On parlait, mais de cœur à cœur, pas avec la bouche. Je voyais des mots sortir de mon corps comme des oiseaux. D'autres mots entraient en moi. Je n'ai pas de souvenirs de notre discussion. Mais parfois j'ai des flashs qui me viennent. Il y avait aussi des moments de douleur, je me souviens avoir pleuré. Surtout, j'avais une compréhension absolue de ma vie et je ressentais un amour inconditionnel.»

Dépression et transformation
Emma finit par revenir à elle et à ses douleurs physiques. «J'avais perdu beaucoup de sang, car l'artère de l'utérus avait lâché. Le médecin m'a dit qu'il était allé me chercher très loin...» Les maux physiques feront place aux souffrances psychologiques. «Là-bas, c'était tellement beau que je ne voyais pas de sens d'être revenue, hormis pour mes enfants bien sûr. J'étais dépressive car je me sentais coincée entre deux mondes et extrêmement seule, sans personne à qui parler de cette expérience qui me dépassait.» C'est seulement 10 ans plus tard qu'elle pourra y mettre un nom, en découvrant le livre d'Evelyn Elsaesser-Valarino, D'une vie à l'autre: des scientifiques explorent le phénomène des expériences de mort imminente. «Jusque-là, j'avais l'impression d'avoir rêvé», ajoute Emma.
Au moment de reprendre son métier d'infirmière, craignant de ne pouvoir offrir un véritable soutien aux patients, elle entame une thérapie biodynamique (psychocorporelle) - qu'elle pratique elle-même aujourd'hui dans son cabinet à Bienne - afin de dépasser son traumatisme. «Pour la première fois, je pouvais parler de ma NDE sans tabou...» Et de ses conséquences, positives comme négatives.
Emma Otero a notamment vu sa créativité s'amplifier. Peinture, poèmes, mosaïques, collages, jardinage... Touche-à-tout, avec comme fil rouge, une utilisation intense des couleurs. Elle a aussi quitté l'Eglise catholique. «Je me suis rendue compte que la foi était une affaire personnelle. Avant je voulais convaincre tout le monde...», avoue-t-elle.

Angoisses et libération
Mais le changement le plus significatif est certainement cette faculté à avoir des visions et des sensations prémonitoires. Une image surtout, angoissante, l'habite depuis sa NDE. Celle d'une jeune personne nue couchée sur le sol devant une étagère avec cette impression qu'elle ne serait pas retrouvée rapidement. «Quelque part, je pensais que c'était une image liée à une peur infondée. Cette vision me venait à chaque fois que mes enfants sortaient... C'était une angoisse intenable. Et c'est aussi pour cela que j'allais les chercher partout quelle que soit l'heure.»
Cette vision cauchemardesque a fini par s'effacer... en devenant réalité. C'était il y a six ans. Emma a retrouvé sa fille exactement comme dans ses visions, dans le coma, 23 heures après une hémorragie cérébrale due à une malformation inconnue de naissance. Cette naissance qui avait justement amené Emma aux portes de la mort. Ses visions sont donc devenues prémonitions. D'une sincérité à toute épreuve, elle ose parler de libération face à cette angoisse intenable. Et si le manque et la douleur d'avoir perdu son enfant l'habitent au quotidien, sa NDE agit toutefois comme un baume. «Grâce à ma NDE, je sais qu'elle est bien là où elle est et que je la reverrai...» Et puis Emma sent parfois sa présence, sur son cœur, ou qui passe devant ou derrière elle.
D'autres prémonitions lui viennent. «Mais j'arrive à mieux les gérer pour pouvoir vivre dans le présent.» Sa croyance en une destinée - «je crois qu'il y a des choses qu'on doit vivre» - n'exclut aucunement la liberté. Celle-ci réside, selon elle, dans la manière d'appréhender les événements, dans les prises de conscience. En constante évolution, Emma se dit aujourd'hui reconnaissante d'avoir pu vivre cette NDE qui lui a permis de toucher à cet «amour inconditionnel». Elle tend aujourd'hui à en vivre des parcelles ici-bas. Donner, sans rien attendre en retour, est une de ses philosophies de vie.

Aline Andrey

Emma Otero a aussi témoigné dans le livre Etats modifiés de conscience. NDE, OBE et autres expériences aux frontières de l'esprit de Sylvie Déthiollaz et Claude Charles Fourrier (lire en page 7).