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60 ans au service des migrants

Des personnes dansent sur la place Arlaud lors de la fête pour les 60 ans de la Fraternité.
© Céline Michel

Le 30 août, le Centre social protestant a organisé une grande fête à la place Arlaud pour célébrer les 60 ans de la Fraternité, en musique et en danses, rappelant les grandes heures du café qu’elle y a tenu pendant près de trente ans.

La Fraternité, créée en 1964 par le Centre social protestant pour soutenir les immigrés, est devenu un acteur incontournable en matière d’intégration dans le canton de Vaud.

C'est une adresse que les exilés en terres vaudoises connaissent bien. Des générations de travailleuses et de travailleurs étrangers, de saisonniers et de sans-papiers sont passées par la place Arlaud, à Lausanne, épicentre de la solidarité et siège de La Fraternité. Ce service, fondé par le Centre social protestant (CSP) vaudois afin d’aider et de conseiller les migrants, a soufflé ses soixante bougies cet été. 

Pour célébrer ces six décennies d'activité – en même temps que les 40 ans de Jet Service, son pendant destiné aux jeunes et aux personnes en formation – le CSP a mis les petits plats dans les grands: exposition, portes ouvertes, conférence, concerts et danses. La fête a battu son plein le 30 août sur la place Arlaud, rappelant les grandes heures du café que La Fraternité y a tenu à l’époque. 

Un succès jamais démenti
Celle-ci naît donc en 1964, à l'heure des grandes vagues migratoires en provenance du sud de l'Europe. A l’origine, il s'agit d'accueillir et d'informer les travailleurs italiens et espagnols, auxquels on distribue des brochures leur expliquant, dans leur langue, leurs droits et devoirs en Suisse. Puis, la Frat’, comme on la surnomme, met sur pied des consultations individuelles, dont le succès ne s’est jamais démenti. En 2023, elle en a donné plus de 5300, un chiffre qui a doublé en vingt ans. De nos jours, la «clientèle» provient de plus de 90 pays.

«La force de ce service, c’est de s’appuyer sur des travailleurs sociaux issus des communautés, qui parlent leurs langues et comprennent leurs préoccupations», souligne Caroline Regamey, responsable de politique sociale et de recherche au CSP. Les consultations portent sur toutes sortes de sujets, tels que les permis de séjour, les assurances sociales, le logement, le mariage binational, le retour au pays ou la naturalisation, entre autres. Mais les thématiques peuvent varier au gré de l’évolution des politiques migratoires et des besoins des immigrés.

Son travail place bien souvent La Fraternité dans le rôle d’intermédiaire entre ces derniers et les institutions publiques. Voire de lobbyiste. «Nous nous adaptons aux demandes des usagers, et cela nous permet de faire remonter des problématiques récurrentes aux politiques et aux autorités, indique Caroline Regamey. Nous appelons cela le travail social émancipateur. Il s’agit de s’attaquer aussi bien aux causes des problèmes, en visant leur résolution, qu’à leurs conséquences.» La Fraternité est par exemple devenue une interlocutrice de premier plan sur la question des violences domestiques, contribuant à faire modifier en juin dernier la législation fédérale afin de mieux protéger les victimes d’origine étrangère.

Combats politiques
Cette dimension politique apparaît dès les premières années d’existence de La Fraternité. A l’époque, on connaît en Suisse une montée de la xénophobie, qui culmine au tournant des années 1970 avec l'initiative Schwarzenbach contre l'immigration. La Frat’ se fait alors militante, et mène notamment campagne contre le statut de saisonnier ainsi que pour le regroupement familial. Puis, dans les années 1990, elle s’engage avec d’autres organisations contre les expulsions de ressortissants d’ex-Yougoslavie, et plus tard pour la régularisation des sans-papiers et le droit de leurs enfants à la formation. 

Ce militantisme exige une certaine indépendance, une liberté de parole, qui réjouit Caroline Regamey: «Cela nous permet de garder à la fois la confiance des usagers et celle des autorités, même si on peut parfois être critique à l’égard de ces dernières.» Celles-ci ne semblent pas en tenir rigueur à La Fraternité, dont l’expertise en matière d’intégration des étrangers est aujourd’hui largement reconnue, ce qui lui a même valu d'obtenir des mandats officiels dans ce domaine. 

Un café mythique
Mais pendant près de trente ans, La Fraternité, ce fut également un café dont la vaste terrasse était très appréciée les samedis après le marché, et dont les soirées festives, concerts et spectacles qui y étaient organisés ont marqué les mémoires lausannoises. C’est même devenu un lieu de rencontre privilégié entre migrants et Suisses, ce qui était aussi un des buts du CSP en créant La Fraternité. La salle a par ailleurs accueilli les réunions de nombreuses associations d’immigrés, dont certaines y ont même été fondées. Hélas, l’endroit ferme en 1999, souffrant d’une baisse de la fréquentation et d’un manque de rentabilité. «Ça a été un crève-cœur, mais comme le CSP voulait à la fois proposer des prix modestes à la clientèle et payer correctement ses employés, c’était difficile de trouver l’équilibre financier», confie Caroline Regamey. 

En revanche, les consultations ne sont pas près de s’arrêter. La Fraternité s’est déployée dans les régions vaudoises à partir de 2014, en créant six nouvelles permanences qui couvrent l’ensemble du territoire cantonal. «La demande reste pressante, constate Caroline Regamey. Et cela ne risque pas de s’atténuer, car le domaine de la migration évolue constamment et malheureusement, pas toujours dans le bon sens.»

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