Les grandes surfaces devront finalement attendre le 11 mai pour proposer à la clientèle l’intégralité de leur assortiment. Réaction soulagée d’une libraire
Face à la grogne des petits commerces, le Conseil fédéral a fait marche arrière. Les grandes surfaces devront elles aussi patienter jusqu’au 11 mai pour rendre accessible l’ensemble de leur assortiment à la clientèle. Cette décision a été communiquée le 22 avril dernier lors d’une conférence de presse du gouvernement. Un rétropédalage accueilli avec soulagement par Françoise Berclaz, responsable de la librairie La Liseuse à Sion. «Il s’agissait clairement d’une concurrence déloyale. Une protection accordée aux grands alors qu’on laisse les petits se débrouiller seuls. Deux poids, deux mesures.» La Valaisanne était d’autant plus indignée que les magasins indépendants de la branche, fortement pénalisés par la crise, doivent déjà se battre contre le géant du web Amazon. «Le marché du livre est fragile. Nombre d’entre nous sommes en mode survie», poursuit la responsable rappelant qu’une pétition avait été lancée à la suite de l’annonce des autorités faisant état de possibilités de vente étendues des supermarchés. Un texte qui a récolté quelque 8200 signatures en un temps record. «Elle aura certainement donné un coup de pouce... Tous les professionnels du secteur l’ont soutenue. Le gouvernement a aussi joué la carte de la prudence en changeant de cap.» Françoise Berclaz insiste encore sur le rôle fondamental des ouvrages. Et se remémore avec émotion les deux derniers jours ayant précédé la fermeture de son enseigne, le 16 mars. «Les clients étaient euphoriques en découvrant que le magasin était toujours ouvert. Ils ont fait d’importantes réserves. Des achats compulsifs. Le livre est un produit de première nécessité, soumis au même taux de TVA que les biens figurant dans cette catégorie.»
Inquiétudes pour l’avenir
Dans ce contexte, soucieuse de répondre aux attentes des acheteurs, la libraire aurait volontiers gardé ouvert son commerce d’une superficie de 300 m2, en respectant bien entendu les prescriptions sanitaires et en filtrant les entrées. Une interdiction ressentie comme une injustice... A défaut, elle a valorisé la vente en ligne: «Un instrument magnifique pour maintenir le lien avec les intéressés. Nous avons organisé une permanence le matin avec une équipe réduite. Mes collaborateurs – huit employés à temps partiel – ont travaillé par tournus pour réceptionner les commandes et organiser les livraisons à domicile, en appliquant bien sûr les exigences sécuritaires. Au chômage partiel, ils ont été ravis de conserver une petite activité. De se sentir utiles. Une super ambiance.» Cette opération ne suffira toutefois de loin pas à combler le manque à gagner lié à la fermeture, représentant tout au plus 10% à 15% du chiffre d’affaires. «De manière générale, je suis très inquiète pour l’avenir des librairies indépendantes. Et je doute que les ventes vont repartir en flèche. Ce printemps, les personnes auront davantage envie de profiter de la nature», note Françoise Berclaz qui a recouru au prêt extraordinaire accordé aux entreprises. Non sans déplorer la position de l’Office fédéral de la culture qui n’a pas intégré dans ses mesures de soutien les maisons d’édition et les librairies. «Nous avons été écartés. Nous sommes pourtant un maillon significatif de la chaîne.» Quoi qu’il en soit, Françoise Berclaz se réjouit de la reprise: «Nous ne pouvons pas rester confinés toute notre vie. Nous ferons bien sûr attention.» Et de se demander en rigolant si, après deux mois d’abandon, La Liseuse va la reconnaître. Pas de souci à avoir, l’ancienne présidente de l’association suisse des libraires occupe son poste depuis plus d’une trentaine d’années...