Rentrée des classes
Grand Corps Malade et Mehdi Idir présentent leur deuxième film, une fiction qui raconte une année scolaire dans un collège de la banlieue parisienne, entre drame social et fous rires d’adolescents
Alors que leur premier long métrage, Patients, était une adaptation du roman autobiographique du slameur Grand Corps Malade et relatait son combat de rééducation à la suite du grave accident qui l’a laissé handicapé, La Vie scolaire s’inspire du parcours de son acolyte Mehdi Idir. La trame: Samia (la formidable comédienne Zita Hanrot), une jeune conseillère principale d’éducation (CPE) tout juste arrivée d’Ardèche, débarque dans un collège réputé difficile d’une cité de Saint-Denis. «Sauve-toi jeune CPE tant qu’il est encore temps!» lui lance un enseignant le jour de la rentrée… Le ton est donné. Samia fait la connaissance de son équipe de surveillants, mais également de la proviseure, des professeurs et, évidemment, des élèves, et découvre rapidement les problèmes récurrents de discipline, la réalité sociale régnant dans le quartier, mais aussi l’humour et la vitalité tant de ses collègues que des adolescents. Samia s’adapte rapidement et sa situation personnelle compliquée l’amène à se rapprocher de Yanis, un élève vif, volontiers insolent, mais intelligent et dont elle flaire le potentiel. Malgré son peu d’enthousiasme, son manque d’ambition et le fatalisme qui semble lui interdire tout projet – «Et si je ne valais pas mieux que ça?» répond-il aux encouragements – Samia va s’acharner à lui éviter un échec scolaire prévisible et tenter de l’amener à envisager son avenir.
Les deux réalisateurs, qui sont également les scénaristes du film, se sont inspirés de moments vécus ou observés durant leur passage au collège, d’anecdotes racontées, en s’appuyant même sur des personnes existantes afin de gagner en crédibilité. Le résultat en est, en marge du fil rouge composé des histoires de Samia et Yanis, un récit qui fourmille de personnages secondaires et de situations hautement comiques: des surveillants disputant le concours de la punition la plus absurde, un professeur de musique qui s’obstine à vouloir enseigner la flûte à bec à ces jeunes de cité, un élève atteint d’une hilarante mythomanie, un maître d’éducation physique très créatif et pour qui les insultes appartiennent au «champ lexical du sport», etc. Mais si ces nombreuses saynètes donnent au récit une forme clairement comique, son message central est quant à lui profondément grave et dramatique. Et le spectateur se surprend à passer, en l’espace de quelques minutes, du rire aux larmes dans cet univers où, ainsi que l’explique Grand Corps Malade, «l’humour règne malgré les drames».
Laissés-pour-compte du système
La question de l’éducation dans les banlieues sensibles – déjà maintes fois traitée dans le cinéma français ces vingt dernières années –, s’impose bien évidemment comme la thématique centrale. Mais La Vie scolaire se distingue en faisant le choix de ne taper sur personne: ni les élèves, ni les enseignants, ni les parents ne sont pointés du doigt. De plus, la palette de personnages est dépeinte sans caricature et tout en nuances, et rappelle notamment que les adultes peuvent être des fêtards désinhibés et des irresponsables notoires. En revanche, le film n’hésite pas à critiquer un système qui regroupe de plus en plus les jeunes en difficulté scolaire et sans perspectives et les sectarise en les reléguant dans des classes destinées aux laissés-pour-compte parmi les laissés-pour-compte de l’enseignement. En réponse à ces méthodes, les réalisateurs ont mis un point d’honneur à intégrer tous les habitants et notamment les enfants de la cité où ils ont tourné, ainsi que l’explique Grand Corps Malade: «C’était valorisant pour les gosses d’avoir été choisis, de devenir comédiens avec un salaire. On leur a fait sentir qu’on avait besoin d’eux. Ils se sentaient importants, respectés et avaient envie de bien faire.» En cette période de rentrée des classes, La Vie scolaire vient donc rappeler que l’école, bien avant de former de futurs employés adaptés au marché du travail, est là pour apprendre à apprendre et surtout à vivre en communauté. Un fondamental dont il fait bon se souvenir en ces temps de courses aux performances et aux résultats.