Cette écriture qui divise...
Nouvelle percée du langage épicène. Une pratique qui entend s’adresser à tous les êtres humains, indépendamment de leur sexe, en recourant à des formules où ne prime plus la valeur générique du masculin. La semaine passée, la RTS s’est ainsi engagée à adopter à l’antenne des tournures plus inclusives. Une initiative qui vise probablement aussi à offrir à la chaîne une nouvelle virginité à la suite des dénonciations de harcèlement ayant récemment entaché son image... Le Courrier, dans la mouvance du 8 mars, a lui aussi franchi le pas. Histoire de rendre davantage visible son positionnement. Alors que nombre d’institutions et d’organisations sont passées à l’acte dans leur communication. Avancée bienvenue et louable, diront certains. Allégeance à une injonction partisane et au politiquement correct, argueront d’autres. Avec, à la clef, une écriture inclusive polymorphe, chacun y allant de son couplet dans sa manière de la transcrire au moyen d’éléments graphiques et syntaxiques disparates. Point médian, trait d’union, barre oblique, parenthèses, recours aux doublets, aux pronoms inventés... se sont invités dans la rédaction de textes. Résultat, une jungle des signes déshumanisés, nuisant à la lisibilité et enlaidissant la langue de Molière devenue imprononçable et heurtée par ses saccades graphiques. Sans oublier les lourdeurs, longueurs et redondances qu’implique le phénomène. Et des accords désormais souvent sacrifiés sur l’autel de cette posture. Au diable donc les règles de grammaire communes. Et alors que cette forme d’expression se révèle tout aussi discriminatoire pour les personnes souffrant de troubles du langage et les malvoyants qui, eux, se plaignent de la confusion générée. Les personnes étrangères rencontreront elles aussi des difficultés supplémentaires dans leur apprentissage.
On peut clairement se trouver en porte-à-faux avec ces nouvelles graphies et formules aléatoires. Sans être pour autant réactionnaire et encore moins antiféministe. En imaginant que cette dynamique devienne néanmoins la norme, il faudrait repenser le processus amorcé. Non seulement pour pouvoir satisfaire tout un chacun – et la liste ne cesse de s’allonger avec d’autres causes tout aussi défendables que celles promues. Mais surtout en vue de l’harmoniser, en édictant des règles communes. Reste à savoir si ce genre de démarche a un réel impact. Si la féminisation de chaque phrase contribuera à davantage de parité et d’équité. S’il ne vaudrait pas mieux concentrer son énergie sur des batailles féministes autrement plus essentielles que celles à valeur de symbole. Les sociétés anglophones, qui disposent d’un pronom neutre dans leur langage, ne se montrent pas davantage égalitaires. La langue doit certes pouvoir évoluer et refléter des préoccupations plurielles. Dans certains domaines, comme celui du travail, où stéréotypes et préjugés ont la peau dure, l’écriture inclusive dispose d’une réelle marge d’expression. Mais de là souscrire à une systématique de la forme pour en faire une nouvelle religion tout aussi exclusive et dogmatique que l’ancienne, il y a un monde. Les partisans de ce nouveau territoire intégrant les identités de genres aiment souligner que le diable se cache dans les détails. On peut aussi rétorquer, en plagiant Talleyrand, que tout ce qui est excessif est insignifiant. En multipliant les distinguos, ce mode de communication militant tend également à diviser les personnes plutôt qu’à les rapprocher; à ériger de nouveaux murs dans la famille humaine. Sachez en tout cas, chères lectrices et chers lecteurs, que si chaque phrase n’est pas conjuguée au féminin et masculin, elle englobe bien évidemment tous les êtres...