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Corriger les manquements

Infirmières en train de se munir de leur matériel de protection.
© Olivier Vogelsang

Soins intensifs du CHUV en avril 2020. Des infirmières en alerte permanente face au Covid-19. Comme partout dans le pays, les soignants se sont engagés sans compter pour sauver des vies. Les conséquences de cette pandémie sur le personnel, ainsi que sa gestion par les autorités, doivent être mises en lumière estime Amnesty International Suisse, soutenu par plusieurs syndicats et associations.

Amnesty International demande à Berne de mandater une étude pour connaître l’impact de la pandémie de coronavirus sur le personnel soignant. Unia s’est notamment associé à la démarche

Combien de professionnels de la santé ont contracté le coronavirus dans l’exercice de leur fonction? A-t-on, en cas de contamination, abordé la question sous l’angle de la maladie professionnelle? Quel soutien a alors été apporté? Compte-t-on des décès dans les rangs des soignants? Etc. Autant de questions qui ont amené Amnesty International (AI) à rédiger une lettre ouverte à l’attention des autorités fédérales, cosignée par le Syndicat des services publics, Unia, l’Association suisse des infirmiers (ASI) et déjà plus de 260 représentants du personnel concerné. L’ONG et ses partenaires demandent à Berne de mandater une enquête indépendante sur le sujet. «L’étude devrait révéler les conséquences de la pandémie sur le personnel de santé et faire la lumière sur la gestion gouvernementale de la crise», note l’organisation dans un communiqué. Nadia Boehlen, porte-parole d’AI: «Nous ne pouvions ignorer cette actualité. Nous avons publié un rapport sur la situation des droits des travailleurs de la santé au niveau mondial et avons décidé de prolonger cette recherche en Suisse.» Un document qui fait état, selon les estimations disponibles, de la contamination à l’échelle planétaire de 230000 travailleurs de la santé jusqu’au mois de juillet dernier. Selon AI, plus de 3000 d’entre eux ont payé de leur vie leurs efforts pour lutter contre le Covid-19.

Changer de paradigme

«Beaucoup ont dû et doivent encore travailler sans matériel de protection suffisant et avec de piètres salaires. Dans divers pays, des professionnels de la santé ayant critiqué la gestion gouvernementale de la crise ont été sanctionnés, licenciés ou même emprisonnés», souligne de son côté Pablo Cruchon, porte-parole de campagne à Amnesty International Suisse. Dans nos frontières, le personnel soignant a été particulièrement exposé au virus sans qu’il soit suffisamment armé pour y faire face. «La pandémie a exacerbé les problèmes existants: pénurie de personnel, manque de masques et de blouses de protection. La crise a révélé les dysfonctionnements et les énormes carences dans les hôpitaux, les homes, les soins à domicile», déclare Pierre-André Wagner, responsable du service juridique de l’ASI. «Les résultats de l’enquête demandée nous permettront d’argumenter pour réclamer davantage de moyens. Nous ne voulons pas de retour à la normale. Il y a un besoin urgent de changer de paradigme. Le système de santé n’est plus considéré comme un service public. C’est devenu un business entraînant des économies en matériel et d’énormes pressions sur les travailleurs. Avec des exigences de flexibilisation à outrance, le risque entrepreneurial étant reporté sur le dos des employés. Cette situation explique aussi pourquoi la profession a perdu en attractivité», note encore le collaborateur de l’ASI qui compte quelque 26000 membres représentant environ un tiers des infirmiers diplômés.

Perspectives de genre et d’origine

Un point de vue partagé par Unia. «La démarche d’Amnesty est bienvenue et plus que nécessaire. Elle soutient nos efforts pour améliorer les conditions de travail dans le domaine», commente pour sa part Yolande Peisl-Gaillet, responsable romande à Unia des soins de longue durée et à domicile. «L’état des lieux dans le secteur permettra d’assurer une meilleure gestion de la crise. De faire face, mieux préparés, à une deuxième vague ou à une autre pandémie. Non seulement au niveau des équipements nécessaires mais aussi des effectifs. Il s’agit de défendre des conditions de travail dignes et sûres.» Les signataires du courrier qui sera probablement remis au gouvernement en octobre misent sur des données solides pour que le tir puisse être ajusté. «Il s’agit de corriger les manquements et d’uniformiser les dispositions», précise encore Nadia Boehlen. Etant donné la surreprésentation des femmes et des personnes d’origine étrangère dans ces professions, Amnesty International souhaite aussi que la recherche intègre des perspectives de genre et de provenance.

L’ONG a par ailleurs publié un manifeste de solidarité avec les soignants, «Notre santé, leurs droits», qui a déjà rencontré l’appui de plus de 4110 personnes. «Aujourd’hui, c’est à nous de soutenir les personnes qui ont travaillé pour préserver notre santé (...). Passons des applaudissements à la reconnaissance de leur travail», peut-on notamment lire en substance dans ce texte.

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