Nous, au cœur de la grève féministe est disponible en librairie au prix de 34 francs. Editrices: Yoshiko Kusano, Caroline Minjolle, Francesca Palazzi. 140 pages. 83 photos.
Des femmes devant et derrière l’objectif
Un collectif de femmes photographes présente «Nous», un livre documentant la grève féministe du 14 juin 2019. Haut en couleur
Elles ont capté de larges gammes d’émotions et de sentiments, entre révolte, euphorie, complicité, joie, solidarité, unité ou encore provocation; illustré un combat réunissant tous les milieux et toutes les générations dans différentes villes du pays; arrêté leur regard sur des foules en liesse ou des actions plus confidentielles; braqué leur objectif sur des détails vestimentaires, des slogans, des sourires; bref, immortalisé une journée qui restera longtemps gravée dans les mémoires et les cœurs. Elles, ce sont 32 femmes photographes qui ont documenté la grève féministe du 14 juin 2019. Un événement historique qui a rassemblé, l’an dernier, quelque 500000 personnes dans les rues de Suisse. Une gigantesque vague violette qui a fédéré ces professionnelles de l’image réunies à l’appel de la photographe bernoise Yoshiko Kusano. «Je les ai contactées et leur ai suggéré de couvrir cette journée. L’idée était de proposer aux médias, via l’agence de presse Freshfocus, des images de la grève féministe prises par des femmes.» En raison d’une sensibilité qui leur serait propre? Yoshiko Kusano hésite: «Disons plutôt que l’interaction entre le photographe et le sujet peut être différente si la caméra est tenue par une femme.»
Souvenir palpable
Quoi qu’il en soit, l’initiative suscite l’enthousiasme des collègues de Yoshiko Kusano. Elle ne rencontrera pas toutefois l’écho escompté dans les rédactions. «Dans tous les métiers, c’est toujours plus difficile pour nous, les femmes. Peut-être ne savons-nous pas non plus bien nous vendre, valoriser notre travail», commente l’indépendante. Mais si la déception est au rendez-vous, le collectif va rebondir. En septembre, il se réunit pour partager ses impressions. Encore portée par l’énergie positive de la Grève, soulignant la force, la détermination, la créativité, l’humour, l’intelligence, l’irrévérence... de ces milliers de participantes, il décide d’en garder un souvenir papable. L’idée d’un livre s’impose. Partie prenante de l’aventure et membre du comité de pilotage du projet en tant que rédactrice photos à 24 heures, Pénélope Henriod précise le concept: «Nous avons opté pour un recueil chronologique, en débutant l’ouvrage par des événements survenus déjà dans la nuit du 13 au 14 juin, avec notamment l’illumination de la cathédrale de Lausanne, pour terminer sur le dépôt des pancartes et un concert final.» Sur les 500 clichés rassemblés, 83 sont retenus. Chaque photographe choisit l’image qu’elle préfère de son lot.
Livre impressionniste
«Pour le reste de la sélection, nous avons privilégié la représentativité mais aussi la pluralité des actions et des situations inédites, la diversité des participantes, de tous les âges, d’origines différentes. Sans oublier des hommes solidaires. Nous ne voulions pas que des têtes de cortèges, des icônes de la rencontre mais des photos de ces femmes, embarquées, à l’arrière, dans ce joyeux mouvement. Tout en faisant la part belle à l’humour, les slogans, les déguisements, la créativité qui l’ont marqué. C’est un livre impressionniste rendant compte de l’esprit fou de cette journée.» Une publication encore enrichie de textes d’intervenantes notamment syndicales, dont Vania Alleva, présidente d’Unia.
Le vernissage de Nous s’étant déroulé le 14 juin dernier à Berne, Yoshiko Kusano et Pénélope Henriod n’ont pas pu participer aux manifestations marquant le premier anniversaire de la Grève. Partie remise... «Je suis féministe. Il y a encore beaucoup de choses à entreprendre pour faire avancer la cause des femmes. Notamment sur le front du sexisme, de la violence domestique ainsi qu’en matière d’absence de partage des tâches éducatives, du ménage pénalisant les femmes à la retraite», souligne l’initiatrice du projet qui, mère d’un garçon de 12 ans et d’une fillette de 9 ans, affirme les sensibiliser déjà à la question.