«Des vitamines pour toute une génération»
L’assemblée des délégués d’Unia a tiré un premier bilan de la grève des femmes du 14 juin
La grève des femmes du 14 juin a occupé une bonne part des débats de l’assemblée des délégués d’Unia tenue samedi dernier à Berne. «Extraordinaire», «historique», «fabuleux», «magique»…, ont dit les déléguées qui se sont succédées à la tribune pour tirer un premier bilan de la mobilisation. «Pendant toute ma vie et ça fait quarante ans que je suis à Unia, je n’avais jamais participé à une telle manifestation», a remarqué une militante de Suisse alémanique. «Très large, la mobilisation a attiré toutes les classes sociales, on ne pouvait plus avancer dans les villes, on peut dire que la Suisse a tremblé», a constaté la présidente du syndicat, Vania Alleva. Outre les cortèges, de nombreuses manifestations ont été dénombrées dans les entreprises sous la forme de pauses prolongées, de pique-niques de travailleuses et d’autres actions, s’est réjouie la responsable syndicale. «La politique ne peut plus faire semblant de ne pas nous voir», a relevé une déléguée tessinoise. «La grève a permis aux femmes de se remobiliser, de renouer avec une dynamique de luttes sociales», s’est félicitée la Genevoise Jocelyne Haller. «Elle a donné des vitamines à toute une génération qui n’avait jamais vécu une mobilisation collective. C’est une journée où les mots “féministe“, “antipatriarcat“ et “anticapitaliste“ ont été mis en avant dans les cortèges, des mots qu’on n’entendait plus depuis des années. Je suis convaincue que le Parlement cet automne aura d’autres couleurs, qu’il sera moins macho. Quand les femmes bougent, la Suisse bouge et les syndicats aussi j’en suis sûre. Ça a été vrai en 1991 et cela sera vrai en 2019», a souligné de son côté Catherine Laubscher, secrétaire régionale d’Unia Neuchâtel.
Ce n’était pas si évident il y a une année lorsque le projet de grève a été mis sur la table. L’idée laissant même quelques syndicalistes hommes pour le moins dubitatifs, a expliqué la Neuchâteloise. Le 14 juin devrait servir à faire évoluer les consciences. «Nous devons tourner le dos au patriarcat», a lancé le Fribourgeois Eric Ducrey. «Le combat des femmes pour l’égalité n’est pas seulement un combat pour elles-mêmes, mais pour la société tout entière», juge ce travailleur d’Implenia, qui appelle les hommes à y participer. Même si, admet-il, «il faudra du courage pour appeler son patron et lui dire “je ne viens pas au travail, je garde mon enfant malade“ ou “je pars plus tôt car je dois aller chercher mon enfant“». En attendant, la Jurassienne Marianne Guerne a glissé un mot de remerciement aux hommes qui ont le 14 juin «monté les stands ou gardé les enfants». Vania Alleva a tenu à remercier pour sa part les syndicalistes qui se sont engagés pour la réussite de la journée. «C’est nous les syndicats qui avons piloté la grève», a rappelé la présidente.
Grande campagne salariale
Et maintenant? «On ne peut pas laisser les choses se calmer, il faut profiter de cette énergie pour planifier la prochaine action. Nous devons nous montrer plus agressives», a plaidé la Genevoise Alexandrina Farinha. «On a repris des forces, mais les problèmes ne sont pas résolus», a convenu Vania Alleva. Pour mémoire, les inégalités salariales coûtent en moyenne environ 660 francs par année à chaque femme. Afin de les traquer, l’assemblée des délégués a voté une résolution qui exige des «contrôles systématiques dans toutes les entreprises avec l'implication des syndicats et un système de sanctions efficaces contre les entreprises qui exploitent les femmes sans vergogne». En outre, il a été décidé de lancer à l’automne une vaste campagne salariale, qui s’attaquera aux bas salaires et conditions de travail précaires des branches typiquement féminines comme par exemple le commerce de détail ou les soins de longue durée. Nous y reviendrons dans notre prochaine édition.