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«Mon but, c’est défendre les minorités»

Erin
© Olivier Vogelsang

«Devenir femme a été une libération, je n’ai pas lutté, c’était une révélation», raconte Erin Houriet.

Engagée pour la cause féministe et LGBTQIA+, Erin Houriet porte son combat au sein de son entreprise et dans les sphères d’Unia, de Genève à Berne.

Erin Houriet naît à Genève il y a un peu moins de 60 ans, dans un corps d’homme. Après avoir fait ses études d’horlogerie en microtechnique, elle enchaîne plusieurs jobs de Lausanne à Vevey. Au début des années 1990, elle opte pour un retour au bout du lac et intègre une grande manufacture de montres de luxe, dans laquelle elle travaille depuis 33 ans. «Je suis au département Qualité. J’analyse les retours clients, à savoir les défauts ou les sujets de réclamation, aussi bien sur les composants que sur les pièces complètes.» Depuis toujours, Erin Houriet a des idées marquées à gauche, mais son histoire avec le syndicalisme commence sur le tard. «Je ne savais pas qu’il y avait une délégation syndicale pour nous représenter sur mon lieu de travail.» 

Côté perso, elle se marie à 21 ans quand elle est encore «il» et a un premier fils. Quinze ans plus tard, après une séparation, elle refait sa vie et a une fille, âgée de 21 ans aujourd’hui. «J’ai toujours été plus proche des femmes avec qui je me sentais bien, je trouvais les hommes trop violents. J’ai aussi toujours eu un aspect féminin.» Tout prend son sens pendant le Covid et le confinement. «On n’avait plus droit à rien. Tout ce qui me restait et qui m’appartenait, ce sur quoi j’avais encore du pouvoir, c’était mon corps. Je me suis repassé le fil de ma vie, je me suis aussi beaucoup documentée sur la dysphorie de genre, et ça m’a inspirée.» Elle trouve l’association Epicène et rencontre sa directrice, qu’elle avait justement vue dans une émission de télévision pour témoigner de sa transition. «Elle m’a accompagnée pendant mon processus. Pour moi, devenir femme a été une libération, je n’ai pas lutté, c’était une révélation.» Alors qu’elle était un homme plutôt discret, Erin Houriet, une fois devenue femme, est beaucoup plus extravertie et assumée. Aujourd’hui, elle voit l’envers du décor. «Dans ma peau d’homme, je ne me rendais pas autant compte de l’oppression des hommes sur les femmes, je l’ai comprise après.»

Déterminée à changer les choses

Son employeur affirme la soutenir dans sa transition, en 2020, mais elle se sent tout de même en danger. «A partir de là, mes supérieurs ont commencé à me reprocher ma façon de timbrer, j’ai reçu des critiques sur ma coiffure. Tout à coup, pour eux, je faisais trop de bruit, je dénonçais des cas de harcèlement et ça ne leur plaisait pas. Après avoir reçu un avertissement, j’ai senti que je pouvais potentiellement être licenciée, du coup j’ai cherché du soutien à l’extérieur.» C’est à ce moment-là qu’Erin Houriet pousse la porte d’Unia Genève. «Je me suis ensuite rapprochée de la déléguée syndicale de mon entreprise et c’est là que l’idée de monter un groupe femmes et LGBT est née.» 

Militante chez Unia depuis trois ans, elle se sent aujourd’hui mieux armée et a fait du chemin en peu de temps. Cette année, elle prétendra à la fonction de déléguée syndicale au sein de son entreprise. Par ailleurs, elle lance l’idée de créer un groupe d’intérêt LGBTQIA+ à Unia Genève. Un projet où tout reste à construire. «A partir du mois d’avril, je tiendrai une permanence* à l’attention des personnes LGBT qui rencontrent des soucis sur leur lieu professionnel. C’est beaucoup de travail, mais je suis déterminée. Défendre les minorités et les populations fragiles, militer pour leurs droits et la justice, c’est le but de ma vie.» L’intérêt de concrétiser ce projet au niveau d’Unia, c’est que les travailleurs se sentent moins exposés. «Les minorités préfèrent souvent rester invisibles et discrètes au travail, de peur de se faire licencier, il est donc plus difficile de créer une dynamique.»

La cerise sur le gâteau, c’était le 1er mars avec la première rencontre nationale Unia sur les droits LGBTQIA+. Un événement dont Erin Houriet a été l’une des instigatrices. «C’était l’occasion d’officialiser le démarrage de ce projet au niveau national et de partager nos expériences tous ensemble.» La première d’une longue série sans doute…

De tous les combats

Révolutionnaire dans l’âme, elle se bat sur plusieurs fronts. Active dans des associations LGBT à Genève, elle est aussi membre de la Grève féministe, proche d’Ensemble à gauche, propose des cours d’autodéfense féministe et est de toutes les manifestations contre la guerre, en Ukraine et à Gaza. «Je suis inquiète de la montée de l’extrême droite partout dans le monde, mais aussi horrifiée par les violences faites aux femmes. En Suisse, pas moins de huit femmes ont été tuées par leur compagnon depuis le début de l’année. Sans parler des droits des personnes LGBT qui sont attaqués aux Etats-Unis, mais aussi en Europe, où il y a un retour en arrière sur nos acquis. Nous arrivons à un point de crise écologique, politique et sociale où il n’est plus possible de faire autrement que de se mettre tous ensemble pour sortir du capitalisme qui est, au final, l’origine de tous nos problèmes.»

* Permanence pour les personnes LGBTQIA+ tous les premiers mardis du mois entre 17h et 18h à Unia Genève, à partir d’avril.

Une vidéo de Olivier Vogelsang.

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