«Nous méritons mieux que des miettes»
Philippe Frezier a été chauffeur VTC pour Uber depuis décembre 2016. Aujourd’hui, il a cessé son activité, car il refuse de signer chez MITC Mobility pour travailler dans des conditions qu’il estime indignes. Délégué syndical Unia, il est au cœur de la bataille et des négociations pour faire appliquer le jugement du Tribunal fédéral. Voici son témoignage.
«J’ai été partie prenante des négociations tout au long de l’été, à la fois au sein des commissions techniques et des séances tripartites. La dernière a eu lieu le 30 septembre. En assemblée intersyndicale, nous nous étions mis d’accord sur un montant minimum pour couvrir les arriérés de salaires et les frais. Uber a proposé un chiffre qui était 8 millions plus bas que notre minimum. Ils ont refusé d’aller au-delà et nous avons refusé de revoir nos prétentions, déjà très basses, à la baisse. Nous n’avons donc pas trouvé d’accord. C’est maintenant à Madame Fischer de faire appliquer la loi et de prendre ses responsabilités! Uber a joué, et Uber a perdu devant le Tribunal fédéral. En tant qu’employeur, il doit payer les charges sociales et les arriérés de salaires à tous les chauffeurs. Et là où ça coince, c’est qu’Uber estime que 10,5 centimes le kilomètre est suffisant pour couvrir les salaires et les frais des chauffeurs. Or, ce sont deux choses différentes. En tant qu’employé, les frais comme l’essence, le véhicule, son assurance et son entretien ne doivent pas être à notre charge. Si j’avais accepté cet accord, j’aurais touché environ 10000 francs sur cinq ans d’activité: sachant que je mettais 600 francs d’essence par mois, cette somme ne couvre même pas mes frais d’essence… Nous ne sommes pas des mendiants et nous méritons plus que l’aumône!
Il s’agit à présent d’un dossier politique. Il faut rendre aux chauffeurs ce qu’ils ont versé pour Uber! De mon côté, j’attends la date butoir du 15 octobre et, après ça, je prendrai la décision d’aller au tribunal ou pas. J’ai gardé tous mes bilans comptables, toutes mes données et mes justificatifs de frais: Uber ne pourra pas s’opposer à l’évidence et je me battrai jusqu’au bout.
Aujourd’hui, j’ai retrouvé un emploi dans le transport scolaire, mais si les conditions de travail deviennent correctes chez MITC, je n’exclus pas de signer avec eux. Et nous sommes nombreux à voir les choses de cette manière. Quant aux collègues qui ont continué avec MITC, ils ne sont pas pour autant satisfaits. Les cotisations sociales sont payées, mais les frais sont encore à leur charge. Et niveau salaire, une fois toutes les commissions déduites, ce qui reste est indécent. Mais beaucoup n’ont pas le choix: j’ai l’exemple d’un collègue, surendetté, qui n’a pas un emploi à plein temps et qui est chez MITC pour compléter, car il compte le moindre franc… Il est urgent qu’on mette un gros coup de pied dans la fourmilière!»