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Face aux algorithmes, il faut renforcer la participation du personnel

Les algorithmes peuvent assigner des tâches de travail ou planifier des itinéraires sans pouvoir prendre en compte les conditions réelles. Mal notés par ces derniers, des employés de plateformes telles qu’Uber peuvent être exclus des applications.
© Olivier Vogelsang

Les algorithmes peuvent assigner des tâches de travail ou planifier des itinéraires sans pouvoir prendre en compte les conditions réelles. Mal notés par ces derniers, des employés de plateformes telles qu’Uber peuvent être exclus des applications.

S’appuyant sur un avis de droit de l’Université de Saint-Gall, Syndicom et l’ONG AlgorithmWatch/CH plaident pour encadrer les nouveaux outils de management

Les employeurs ont de plus en plus recours aux algorithmes pour gérer les ressources humaines, augmenter la productivité, voire surveiller le personnel. Selon une enquête de l’Université de Saint-Gall menée en 2020 auprès de 159 grandes entreprises suisses, 39% d’entre elles utilisaient des systèmes de décision automatisée (Automated Decision-Making, ADM pour son acronyme anglais) pour le recrutement et 47% des outils de gestion de performance. Cette étude date d’il y a trois ans, on imagine que, depuis, avec l’arrivée de ChatGPT et d’autres logiciels d’intelligence artificielle (IA), le phénomène n’a pu que s’accentuer. Ce qui n’est pas sans poser un certain nombre de problèmes. Les systèmes d’ADM sont ainsi utilisés pour effectuer un tri des CV et des discriminations ne peuvent être exclues. Un logiciel de recrutement développé par Amazon en 2018 préférait ainsi embaucher des hommes plutôt que des femmes… Se faire licencier par l’IA n’est déjà plus de la science-fiction. Mal notés par les algorithmes, des employés de plateformes telles qu’Uber peuvent être exclus des applications. Dans les bureaux, les outils de gestion de performance et d’analyse du temps peuvent enregistrer le temps passé à son poste de travail, le nombre de caractères tapés sur le clavier ou de courriels envoyés. Même des logiciels de communication anodins peuvent être utilisés pour espionner le personnel. Outre la fourniture d’analyses, les algorithmes peuvent assigner des tâches de travail ou planifier des itinéraires sans, évidemment, pouvoir tenir compte de toutes les conditions et des imprévus. Avec comme corollaire une hausse des cadences, des heures supplémentaires, du stress et de la fatigue.

Flagrantes lacunes

Face à cette situation, l’ONG AlgorithmWatch/CH et Syndicom, le syndicat des médias et de la communication, ont commandé un avis de droit à deux chercheuses de l’Institut de recherche sur le travail et l’emploi de l’Université de Saint-Gall. Il révèle de flagrantes lacunes tant dans le cadre légal, qui ne protège pas efficacement les salariés, que dans son application.

Le recours aux algorithmes peut avoir, on l’a dit, des conséquences sur la santé. La Loi sur la participation prévoit bien que les employés aient le droit de s’impliquer en matière de numérisation au travail lorsque celle-ci établit un lien avec la santé, mais les employeurs n’associent pas de manière suffisante le personnel à la planification de ces systèmes. Ils ne communiquent pas de façon adéquate les informations concernant les systèmes algorithmiques utilisés ou planifiés dans l’entreprise et l’attribution des responsabilités fait souvent défaut.

Les salariés doivent avoir leur mot à dire

Syndicom et AlgorithmWatch revendiquent un renforcement du droit à l’information et de la Loi sur la participation avec l’instauration de sanctions permettant de mieux protéger les employés. Le personnel doit pouvoir faire appel à des spécialistes externes dans le processus de participation. Un droit d’action collectif doit garantir aux employés et aux représentations de pouvoir s’engager pour défendre leurs droits collectivement. Enfin, les dispositions relatives à la protection de la santé doivent être précisées et si nécessaire étendues. «Pour que l’utilisation des systèmes algorithmiques soit juste, durable et judicieuse, il est essentiel que les employés et les employeurs conçoivent ensemble les changements technologiques au travail. Une condition importante pour y parvenir est que les salariés puissent avoir leur mot à dire, participer aux discussions et s’impliquer», souligne Bettina Dürr, chargée de politique et de recherche chez AlgorithmWatch.

La mise en œuvre de ces propositions constituerait un premier pas important, selon les deux organisations, qui appellent les politiques à agir. Syndicom invite le Conseil fédéral à associer étroitement les syndicats et les associations patronales à la préparation d’un projet de loi. La conseillère nationale Barbara Gysi (PS/SG) devrait déposer une motion sur ce thème durant la session d’hiver.


Plus d’infos sur algorithmwatch.ch

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