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Fiscalité élevée: rien de grave pour les riches et la mondialisation

Deux économistes plaident, dans un récent ouvrage, pour une meilleure taxation de la fortune et des multinationales

Une fiscalité élevée ne constitue un problème ni pour la mondialisation, ni pour les catégories sociales les plus aisées. C’est le constat de deux économistes français vivant aux Etats-Unis, Emmanuel Saez et Gabriel Zucman. Ces affirmations ont d’autant plus d’intérêt qu’elles sont formulées en pleine crise du coronavirus et que, dans ce contexte, la droite politique et économique ne veut rien changer, ni la conception actuelle de la mondialisation, génératrice d’inégalités, ni la fiscalité des riches et des superriches, car une augmentation de celle-ci, selon eux, aurait des conséquences catastrophiques pour la croissance et pour l’emploi.

Ouverture des frontières = injustice?

Economistes de gauche, Emmanuel Saez et Gabriel Zucman partent en guerre contre ces lieux communs dans un magnifique ouvrage, Le triomphe de l’injustice. Richesse, évasion fiscale et démocratie. Ils notent que la progressivité fiscale est parfaitement compatible avec la mondialisation et que la concurrence fiscale qui fait rage aujourd’hui pourrait vite être remplacée par une course au mieux-disant. En d’autres termes, «l’ouverture des frontières ne nous condamne pas à toujours davantage d’injustice fiscale».

Riches Américains: jusqu’à 50% d’impôt!

A l’intention de ceux qui craignent la fiscalité comme la peste, les deux économistes rappellent que des années 1930 aux années 1970, dans la foulée du New Deal de Franklin Delano Roosevelt, les Américains les plus riches reversèrent plus de 50% de leurs revenus au fisc! Aujourd’hui, ce n’est plus que 23%, taux proche de ceux en vigueur dans de nombreux cantons. L’imposition des bénéfices des entreprises a suivi le même cours, passant de 52% en 1960 à 21% depuis la réforme Trump de 2018. Autant dire qu’aux Etats-Unis comme en Suisse, il y a encore de la marge pour que les plus aisés participent davantage au financement de l’Etat social ou d’un programme de relance économique si le recours à l’endettement ne suffisait pas. Il est vrai que, pour cela, une révolution idéologique s’imposerait, pour contrer les «réformes» mises en œuvre depuis l’arrivée de Ronald Reagan au pouvoir, en 1981.

Les multi imposées partout

Pour faire face à ce défi et pour combattre les inégalités, Emmanuel Saez et Gabriel Zucman proposent notamment:
• la création d’un impôt sur la fortune fortement progressif pour contenir les formes de rente associées à la concentration extrême des richesses;
• un impôt sur le revenu national pour financer l’Etat social moderne et alléger le coût de la santé pour les classes moyennes;
• une taxation efficace des entreprises qui opèrent aux quatre coins de la planète (c’est-à-dire des multinationales) pour réconcilier mondialisation et justice fiscale.
Cette dernière revendication est la plus originale, dans la mesure où les multinationales n’auraient plus intérêt à jouer un Etat contre un autre sur le plan fiscal, puisqu’elles seraient imposées partout où elles sont actives et sur les mêmes bases.

Couverture du livre.
Emmanuel Saez et Gabriel Zucman, Le triomphe de l’injustice. Richesse, évasion fiscale et démocratie, Editions Seuil, 2020.
 

France: la richesse des hauts fonctionnaires

«Depuis qu’Emmanuel Macron est président, le gouvernement de la France ne ressemble à aucun autre sous la Ve République. Il n’y a jamais eu autant de grands commis de l’Etat devenus millionnaires dans le privé.» Telle est l’une des conclusions de l’ouvrage Les voraces que publie Vincent Jauvert, journaliste à L’Obs. Incroyable mais vrai, parce que ces personnalités, après avoir fait carrière dans l’administration, ont «pantouflé» dans des entreprises où ils ont rapidement fait fortune. Résultat, nombre de ces représentants de l’élite politico-financière gagnent plus que le président de la République (182400 euros par année)!

Quelques cas exemplaires:
• Membre du cabinet de Martine Aubry dans les années 1990, Muriel Pénicaud devient par la suite une dirigeante du groupe alimentaire BSN, où elle touche 2,3 millions par année. Elle revient dans le public quand Emmanuel Macron est ministre de l’Economie et obtient 200000 euros par année. Aujourd’hui ministre du Travail, elle s’est constituée un patrimoine de 6,5 millions d’euros.
• Après son départ du gouvernement, Rachida Dati, ancienne garde des Sceaux, touche 600000 euros grâce à son activité d’avocate. Jusqu’en 2018, elle est aussi maire du VIIe arrondissement de Paris et députée européenne, avec les indemnités qui en découlent.
• Dirigeant du Centre national d’études spatiales (fusée Ariane), Pierre Fond est aussi maire de Sartrouville et vice-président du département des Yvelines. Tout cela pour près de 400000 euros par année.
• Directeur de la Société du Grand Paris Express, Thierry Dallard perçoit 300000 euros par an, plus 60000 euros de variable.
• Ancien ministre, aujourd’hui défenseur des Droits, Jacques Toubon encaisse 360000 euros par année, en cumulant son salaire avec les pensions de ses activités antérieures.

Couverture du livre.
Vincent Jauvert, Les voraces, Editions Robert Laffont, 2020.

 

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