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Frappé par le virus du syndicalisme

Cyprien Baba devant la gare du Locle.
© Thierry Porchet

Venu de Côte d’Ivoire, Cyprien Baba estime être bien tombé au Locle, une ville ouvrière où la gauche a longtemps été hégémonique.

Coprésident du groupe d’intérêts Migration d’Unia, Cyprien Baba multiplie les engagements, au niveau politique, associatif et syndical.

Rendre service aux autres, à la collectivité, voilà le moteur qui anime Cyprien Baba. Que ce soit dans sa ville d'adoption, Le Locle, dans son travail de coordinateur à la conciergerie de l'usine Breguet, dans ses multiples fonctions associatives et politiques, ou encore dans ses activités syndicales.

A la section neuchâteloise d'Unia, on sait qu’on peut compter sur cet infatigable militant de 59 ans, qui est depuis l’an dernier coprésident du groupe d’intérêts Migration au niveau national. Qu’il s’agisse d’aller tracter, de récolter des signatures ou de participer à une action, il est rare que Cyprien ne réponde pas présent. «Une fois, raconte-t-il, nous étions dans un car pour aller manifester à Berne. Quand ils ont su que c'était mon anniversaire, tous les autres ont chanté pour moi!» Une anecdote qui résume bien son sens de l’engagement et du sacrifice. «Je ne suis pas un syndiqué, dit-il, mais un militant, quelqu’un qui se met au service de son syndicat. C’est comme un virus. On ne s’en lasse jamais.»

D’enseignant à concierge
Chez Breguet, ses rôles de concierge et de membre de la commission du personnel lui permettent aussi de rendre de nombreux services à ses collègues. «Je m’occupe de l’intendance, des fournitures. Je contribue ainsi à améliorer leurs conditions de travail. S’il y a un problème, je vais voir le directeur. Il est accessible et à l’écoute. C’est une petite usine de 160 collaborateurs. Je n’ai jamais subi de pressions du fait d’être délégué syndical.»

S’il trouve de la satisfaction dans son travail, il n’en éprouve pas moins une certaine frustration, celle de ne pas pouvoir exercer en Suisse sa profession de base. «A Abidjan, j’étais enseignant de français et de littérature dans un lycée. J’adorais aider les jeunes à aiguiser leur esprit critique.» Hélas, même s’il a fait ici des remplacements et enseigné pendant un an à temps partiel, il a dû renoncer à obtenir l’équivalence de son diplôme ivoirien. «J’avais entamé la procédure, mais il aurait fallu que je débourse 12000 francs et que je suive une formation à plein temps à la Haute école pédagogique pendant un an et demi.» Avec six bouches à nourrir à la maison, il ne pouvait pas se le permettre.

Guidé par l’amour
C’est l’amour qui amène Cyprien Baba à quitter son pays natal pour s’installer au Locle en 2009. Il y rencontre sa future épouse, également d’origine ivoirienne, alors qu’il est en visite en Suisse chez un ami d’enfance. Marié, le couple ouvre une épicerie de produits africains et exotiques. Unique en son genre dans la cité horlogère, l’endroit est devenu un point de ralliement des communautés étrangères. «Nous sommes les seuls à vendre certains produits. De plus, nous faisons du transfert d’argent», explique-t-il. Dans la petite échoppe du centre-ville, il discute beaucoup avec les clients. «Ils me parlent de tout et de rien, mais surtout de leurs conditions de vie. Certains me demandent de l’aide pour des démarches administratives.» C’est ainsi qu’il en vient à se documenter sur le fonctionnement des institutions suisses. «J’aime résoudre des problèmes. Petit à petit, je suis devenu connu et, un jour, le Parti ouvrier et populaire est venu me demander de figurer sur sa liste électorale.» Elu, il siège au Conseil général de la commune depuis 2015. 

Mais l’épicerie ne suffit pas à faire bouillir la marmite, et Cyprien se met donc à chercher un emploi salarié. «J’ai travaillé six mois comme ouvrier sur un chantier. Après avoir été enseignant pendant quinze ans, c’était très dur. Le soir, tout mon corps me faisait mal!» Il a aussi été employé dans une entreprise de nettoyage avant d’être embauché dès 2014 chez Breguet.

Un activisme risqué
Se syndiquer chez Unia était pour lui une évidence. En Côte d’Ivoire, il était membre du bureau national du syndicat le plus influent, celui des enseignants, qui constitue un véritable contre-pouvoir. Un activisme risqué. «Là-bas, les syndicalistes peuvent facilement finir en prison. Moi, j’y ai échappé de justesse. Alors que je menais une grève en tant que secrétaire régional, j’ai appris qu’on voulait m’arrêter et j’ai pu me cacher. J’ai vécu dans la clandestinité jusqu’à la fin de la grève.» 

Malgré le contraste avec l’effervescence d’Abidjan et ses presque 6 millions d’habitants, Cyprien Baba estime être bien tombé au Locle, une ville ouvrière où la gauche a longtemps été hégémonique. «J’apprécie Le Locle, la simplicité de ses habitants. C’est une petite ville où on se dit encore bonjour. Quand on est sur le terrain, pour tracter dans le froid, on reçoit beaucoup d’encouragements et de remerciements. Très vite, on oublie le froid.»

Cyprien Baba, délégué syndical au Locle, parle de son engagement à Unia.