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Front commun des syndicats contre l’initiative de limitation

Manifestation emmenée par Unia pour dénoncer le dumping salarial.
© Thierry Porchet/archives

Les syndicats veulent faire barrage à l’initiative de l’UDC soumise au vote le 17 mai prochain. Une large alliance syndicale, emmenée par l’USS et Travail.Suisse, a lancé la campagne la semaine dernière.

L’Union syndicale suisse (USS) et Travail.Suisse s’engagent contre le texte de l’UDC, qui représente une «attaque sans précédent contre tous les salariés»

«Pour une immigration modérée», l’initiative dite de limitation défendue par l’UDC et l’ASIN, fait l’unanimité des syndicats contre elle. Les deux faîtières du pays, l’Union syndicale suisse (USS) et Travail.Suisse, ont formé un comité syndical et donné une conférence de presse commune à Berne en début de semaine dernière pour annoncer le lancement d’une campagne et dénoncer une «attaque sans précédent contre tous les salariés», pour reprendre les mots de la vice-présidente de l’USS et présidente d’Unia, Vania Alleva.

Le texte soumis au peuple le 17 mai prochain propose ni plus ni moins que d’abroger, dans les douze mois suivant le vote, l’accord de libre circulation des personnes entre la Suisse et l’Union européenne (UE), ainsi que de ne plus conclure de traités à l’avenir accordant un tel régime. Pour les initiants, l’immigration n’est toutefois qu’un «objectif de façade», a mis en garde Pierre-Yves Maillard, le président de l’USS, «fermer le robinet n’est à aucun moment une option»: «Il s’agit de pouvoir recourir de nouveau à des salariés étrangers corvéables à merci, soumis à des autorisations de séjour précaires, incapables de faire valoir leurs droits.» Concrètement, ces milieux patronaux d’extrême droite rêvent de bazarder les mesures d’accompagnement, le cadre social lié à la libre circulation depuis son entrée en vigueur en 2002. Magdalena Martullo-Blocher ne s’en est d’ailleurs pas cachée dans la presse. Comme l’a indiqué Pierre-Yves Maillard: «Là où les ténors UDC croient pouvoir dénoncer comme une bureaucratie les mesures d’accompagnement, nous affirmons notre fierté d’avoir pu, grâce à elles, mieux protéger les salaires que dans la plupart des pays européens.»

 

Protection des salaires

«Ce système n’est certes pas parfait, mais il a fait ses preuves», selon Vania Alleva, qui rappelle que des dizaines de milliers de contrôles sont effectués chaque année et que des amendes et des interdictions sont prononcées contre des entreprises pratiquant le dumping salarial. En 2018, 42000 entreprises et 173000 personnes ont été contrôlées et, dans 24% des cas, des abus commis par les employeurs ont été constatés et poursuivis. Il faut noter que ces mesures ne sont pas seulement utiles à la main-d’œuvre indigène ou détachée, «elles renforcent les droits de l’ensemble des salariés dans notre pays» en contenant le dumping, en facilitant l’extension des conventions collectives de travail (CCT) et en permettant l’introduction d’exigences minimales dans les branches non conventionnées. «Entre 2003 et 2018, le nombre de salariés soumis à une CCT de force obligatoire est passé de 376000 à 958600. Il s’agit d’une grande avancée sociale.» En outre, malgré l’ouverture du marché du travail, les salaires n’ont pas baissé. «L’effet positif des mesures d’accompagnement est encore plus évident pour les bas salaires. Alors qu’en Allemagne, par exemple, les salaires les plus bas sont inférieurs au niveau de 2002, en Suisse, ils ont augmenté de près de 15% durant la même période.» Voilà bien tout ce qui dérange les promoteurs de cette initiative: «Ils veulent supprimer la protection des salaires.»

Américanisation du monde du travail

«En cas d’adoption de l’initiative, les CCT et les salaires minimums ne pourraient plus être contrôlés et imposés comme jusqu’ici, les salaires et les conditions de travail se détérioreraient massivement, la porte serait grande ouverte au dumping salarial. D’abord dans les branches et les professions exposées, puis, avec le temps, dans tous les secteurs économiques. Les salariés dépourvus de passeport suisse pourraient moins bien se défendre contre le dumping. Comme à l’époque du statut de saisonnier, les besoins de l'économie seraient satisfaits par une main-d'œuvre bon marché privée de droits et par une augmentation du travail au noir», prévient la présidente d’Unia. Pierre-Yves Maillard redoute une «américanisation du monde du travail» et une explosion des inégalités.

Pour le socialiste vaudois, «la recette qui additionne libre circulation et mesures d’accompagnement larges et efficaces est la meilleure manière de réguler l’immigration. Ni par xénophobie, ni par racisme, mais simplement en assurant que le recours à des forces de travail issues de l’UE réponde à un manque constaté et non à une volonté de faire baisser les coûts salariaux.» Avec l’effet du papy-boom, la Suisse devrait d’ailleurs avoir besoin de bras, souligne le président de Travail.Suisse, Adrian Wüthrich: «Au cours des prochaines années, les personnes qui prendront leur retraite seront plus nombreuses que les jeunes entrant sur le marché du travail. Cet effet démographique entraîne une importante pénurie de personnel qualifié dans presque toutes les branches. Sans immigration, la Suisse ne pourra pas maintenir sa prospérité.» Ni sans les restes des accords bilatéraux menacés par cette résiliation, estime le conseiller national bernois.

Vaste campagne

A cette attaque sans précédent, les syndicats vont relever le défi par une campagne aussi sans précédent. L’USS va débloquer plusieurs centaines de milliers de francs, annonce son président. Avec dans l’idée de faire passer le message que cette attaque «est dirigée contre les gens qui travaillent et qu’elle vise à substituer aux CCT et au contrôle des salaires une concurrence acharnée de tous contre tous».

Le site de la campagne: salaires-emplois.ch

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