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Help, le patron disparaît sans payer les salaires

Employés avec une banderole "HELP Peinture, on veut nos salaires!"
© Thierry Porchet

Trois des quatre ouvriers lésés étaient présents lors de la conférence de presse tenue par Unia et le Sit, le 22 décembre dernier, devant les locaux des deux sociétés, à l’avenue Louis-Casaï à Genève. Ensemble, ils ont exigé le paiement de leurs arriérés de salaire.

A Genève, les syndicats Unia et Sit défendent quatre peintres victimes d’un employeur peu scrupuleux

«On veut nos salaires!» Soutenus par Unia et le Sit, quatre travailleurs réclament des arriérés de salaire au dirigeant de deux sociétés, Swiss Paint SA et Help Peinture Sàrl, actives dans la rénovation de bâtiment. A la veille de Noël, ils se sont rassemblés devant le numéro 79 de l’avenue Louis-Casaï, à deux pas de l’aéroport de Genève-Cointrin, où sont officiellement domiciliées les deux entreprises. Nul bureau ou dépôt visible ici, mais une boîte aux lettres qui déborde où le nom de Help Peinture a succédé à celui de Swiss Paint. Active depuis 2017, cette dernière a accumulé pour plusieurs centaines de milliers de francs de dettes. L’extrait du Registre des poursuites que nous avons consulté est long comme le bras, Swiss Paint devant de l’argent à beaucoup de monde dans la République. Egalement à des salariés. Son administrateur, Yann B., était déjà connu des syndicats pour ces pratiques, qui se sont poursuivies lorsque Swiss Paint a continué ses activités sous une nouvelle dénomination. Une société à responsabilité limitée fribourgeoise, TD Express Livraison, a été reprise, puis domiciliée en début d’année 2022 à l’avenue Louis-Casaï sous le nom de Help Peinture.

 

Pas de revenu durant cinq mois

Alors en arrêt pour accident, Carlos a été brutalement licencié: «Je n’ai pas reçu de certificat de travail ni d’attestation de l’employeur, si bien que je n’ai pas pu m’inscrire au chômage. Je suis père de famille avec des enfants de 7 et 16 ans, c’est le seul salaire qui entre à la maison, durant cinq mois, nous n’avons pas eu de revenu. Aujourd’hui, je suis plein de dettes», témoigne le peintre, qui a retrouvé un emploi en octobre dernier et rembourse petit à petit ses dettes. Il réclame environ 18000 francs à son ex-employeur, qui ne s’est pas présenté à la séance de conciliation convoquée par le Tribunal des prud’hommes.

Yann B. est aussi aux abonnés absents pour trois autres travailleurs réclamant des arriérés de salaire. A l’instar de Karim, plaquiste-peintre: «Je n’ai pas pu payer mon loyer, ni mes factures, je me suis retrouvé à manger chez mes parents, mon frère m’a aidé et ma femme a contracté un petit crédit. Nous avons un bébé et j’ai demandé en vain les documents pour les allocations familiales que je n’ai pas pu toucher. Je n’ai pas reçu non plus l’attestation me permettant de m’inscrire au chômage, mais j’ai heureusement retrouvé du boulot. Pour moi, si le patron avait été réglo, il nous aurait prévenus qu’il avait des difficultés. Au lieu de cela, il nous a exploités.»

Selon les syndicats, l’employeur n’a pas respecté le salaire minimum, il n’a pas versé le treizième salaire ni encore les indemnités pour les vacances.

L’Evénement syndical n’a pas réussi à joindre Yann B. Nous nous sommes alors tournés vers son épouse, Karima A., qui se trouve être l’administratrice de Help Peinture déclarée auprès du Registre du commerce. Des courriels que nous avons consultés laissent toutefois à penser que c’est bien Yann B. qui a assuré la direction de la société. Les témoignages des salariés vont dans le même sens: «Nous n’avons jamais vu son épouse, c’est son mari qui faisait tout.» «Help Peinture fait face à des problèmes de liquidités et le salaire de septembre de trois employés n’a pas pu encore être payé, mais nous faisons tout ce qu’il est possible pour remédier à cette situation», explique Karima A. Avant de couper court à la conversation, elle affirme avec aplomb ne pas connaître Carlos et n’avoir «rien à voir» avec Swiss Paint, dont elle a pourtant été administratrice. Bon, malgré ces soucis de trésorerie, l’administratrice a toutefois trouvé les moyens de mandater une avocate pour négocier avec Unia.

Dérives de la sous-traitance

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D’après les salariés, Swiss Paint et Help Peinture ont travaillé surtout comme sous-traitants de deux entreprises bien connues de la place. L’une d’elles loue d’ailleurs des locaux au 79 avenue Louis-Casaï, nous indique sur place une employée de la régie. «Help Peinture ne fait pas partie de nos locataires», ajoute-elle. Coïncidence? Nous n’avons pas pu joindre les administrateurs de l’entreprise pour leur poser la question.

A l’avenir, les syndicats auront plus de moyens pour s’attaquer à ces sociétés en infraction grâce à la récente modification de la Loi sur l’inspection et les relations du travail (Lirt) qui permettra de suspendre les travaux. Mais cela reste insuffisant pour les syndicalistes. «Les travailleurs devraient pouvoir être indemnisés en urgence et les administrateurs interdits d’exercer», estime Martin Malinovski, secrétaire syndical du Sit. José Sebastiao, secrétaire syndical d’Unia Genève, juge, lui, «fondamental d’interdire la sous-traitance: ces sociétés ont bien compris qu’elles ne risquent pas grand-chose à ne pas payer les travailleurs ni les charges sociales. Elles travaillent presque exclusivement pour des entreprises de la place qui n’ont pas de scrupules à les mandater.»

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