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«Il nous faut relocaliser nos productions»

Des plantons prospèrent à la Ferme de la Lizerne à Dizy, près de Cossonay.
© Agriculture du futur

Pour la secrétaire d’Uniterre, la crise sanitaire que nous traversons révèle l’importance de la souveraineté alimentaire. Ici, des plantons prospèrent à la Ferme de la Lizerne à Dizy, près de Cossonay, lors de la journée du 17 avril.

La Journée internationale des luttes paysannes a été l’occasion pour Uniterre de pointer du doigt les leçons à tirer de la crise actuelle

«Ensemble mettons en œuvre la souveraineté alimentaire ici et maintenant! Et stoppons les aberrations du système actuel!» Le titre du communiqué du syndicat Uniterre, lancé le 17 avril, Journée internationale des luttes paysannes, donne le ton. La missive indique: «Alors que les agriculteurs et artisans sont sacrifiés depuis des décennies sur l’autel de la croissance à court terme et de la tertiarisation de l’économie, quand le système se grippe, l’Etat favorise encore et toujours le marché globalisé et les acteurs industriels de l’agro-alimentaire.»

Pour le syndicat, il incombe au Conseil fédéral et au Parlement de tirer des leçons de la crise liée au Covid-19 en mettant en œuvre la souveraineté alimentaire, soit la création d’un cadre qui valorise la production indigène, les circuits courts, l’agriculture paysanne (au contraire de l’agro-industrie) et les artisans locaux, tout en faisant preuve de solidarité avec les paysans du monde entier et celles et ceux qui luttent pour la justice climatique et sociale.

Dans une lettre ouverte au conseiller fédéral en charge de l’Economie, Guy Parmelin, Uniterre met aussi en lumière les aberrations du système actuel et rappelle ses revendications dont: la revalorisation du prix du lait, l’interdiction du calibrage des fruits et des légumes, la baisse immédiate du contingent d’importation de vins, l’interdiction de déclasser des céréales propres à la consommation humaine et la revalorisation du prix de base des céréales indigènes, l’arrêt des importations de viande tant que les stocks suisses ne sont pas écoulés... Eclairage avec Vanessa Renfer, secrétaire d’Uniterre et paysanne dans le canton de Neuchâtel.


Dans sa lettre au conseiller fédéral, Uniterre souligne le mépris dont les paysannes et les paysans sont victimes, mais aussi les ouvriers agricoles, les consommateurs, les droits des personnes, les produits, la nature…

Les assouplissements de l’ordonnance du 1er avril pour faciliter les importations sont honteux vis-à-vis des efforts fournis par les paysans suisses. Ces taux de douane faibles, voire inexistants, à l’importation d’œufs, de beurre ou de viande de bœuf, ou encore l’autorisation d’un étiquetage moins précis pour aller plus vite, vont à contre-sens de ce que nous apprend cette pandémie, à savoir diminuer notre dépendance vis-à-vis de l’étranger. C’est contradictoire aussi avec les problèmes d’écoulement des paysans suisses liés à la fermeture des restaurants. Autre incohérence: d’un côté une aide d’urgence pour l’industrie pour le stockage de la viande est mise en place, et de l’autre, la Suisse importe. Or, dans cette crise, la souveraineté alimentaire prend tout son sens. C’est l’occasion de réfléchir autrement. Il nous faut relocaliser nos production.

De plus en plus de consommateurs privilégient pourtant l’achat direct aux paysans…

Oui, avec la crise, énormément de gens se rendent dans les marchés à la ferme, les self-services, et donnent ainsi une tout autre réponse que celle de notre gouvernement qui nous met des bâtons dans les roues en assouplissant les importations, en fermant les marchés, et en interdisant la vente de plantons.

La journée du 17 avril a permis de créer des liens entre paysans et bénévoles grâce à la plateforme «Agriculture du futur» dont fait partie Uniterre. L’agriculture a-t-elle aujourd’hui besoin de main-d’œuvre?

La main-d’œuvre étrangère est généralement très importante – et actuellement difficile à recruter. Et on ne peut pas remplacer les saisonniers si facilement, car si, au début, on peut voir le travail de la terre comme bucolique, il faut ensuite pouvoir tenir le choc. C’est pénible physiquement et mal payé. Reste que des personnes d’autres corps de métier en difficulté devront peut-être envisager de se reconvertir et, qui sait, pourquoi pas dans l’agriculture? Quant aux aides ponctuelles comme le 17 avril, – personnellement, je n’avais pas le temps ce jour-là d’accueillir des bénévoles –, elles sont surtout importantes pour sensibiliser à la question paysanne et faire comprendre pourquoi ses produits coûtent ce qu’ils coûtent.

L’initiative pour la Souveraineté alimentaire a été refusée en votation le 23 septembre 2018, aurait-elle davantage de chance aujourd’hui?

J’aimerais y croire. Mais peut-être nous faudra-t-il encore une ou deux pandémies pour se rendre compte de l’importance d’une société durable qui ne pénalise pas les plus faibles.

Plus d’infos: uniterre.ch

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