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La parole aux saisonniers

une manifestation contre le statut de saisonnier à Genève, le 5 octobre 1991.
© Patrick Monnin/Archives sociales suisses

L’exposition présente de nombreuses images et documents. Ici, une manifestation contre le statut de saisonnier à Genève, le 5 octobre 1991.

A Bienne, l’exposition «Nous, saisonniers, saisonnières…» revient sur les conditions de vie des travailleuses et des travailleurs étrangers qui ont construit la Suisse

On les appelait les hirondelles, ces dizaines de milliers de saisonniers qui rentraient sur leur terre natale chaque année. Trois mois d’hiver passés auprès de leur famille, avant de revenir au printemps. Aux frontières helvétiques, les travailleurs italiens, espagnols, yougoslaves ou portugais subissaient alors des contrôles médicaux humiliants, radio des poumons en prime. Sur leur permis A était inscrit le nom de leur employeur, qu’ils ne pouvaient quitter. Heures supplémentaires non payées, travail clandestin durant l’hiver, taux d’imposition injustement surévalué, logement dans des baraquements vétustes et interdiction du rassemblement familial étaient aussi le lot de cette main-d’œuvre corvéable à merci.

Ce système, qui a permis à la Suisse de prospérer, a perduré de 1931 à 2002. Une exposition rend hommage à ces travailleuses et à ces travailleurs à Bienne: «Nous, saisonniers, saisonnières… 1931–2022». Elle met en lumière ce chapitre sombre et souvent oublié de l’histoire suisse, tout en tirant des parallèles avec la migration économique d’aujourd’hui. Initiée par la Ville de Genève, l’exposition a été conçue par les Archives contestataires, le Collège du travail et le collectif Rosa Brux en automne 2019 avec pour ambition de «développer un autre regard sur les migrations d’hier et d’aujourd’hui».

Une exposition qui s’élargit

Le Nouveau Musée Bienne (NMB) a décidé de la présenter à nouveau tout en l’étoffant et en l’ancrant localement, avec de nouveaux témoignages et un éclairage sur la main-d’œuvre agricole dans le Seeland. L’approche se veut à la fois historique, mémorielle et artistique au travers d’archives, de photographies, de films, de récits... L’exposition convie à un voyage dans le passé, chronologique, montrant l’évolution du statut de saisonnier – les règles pour obtenir le permis B ou le regroupement familial – en fonction des besoins, jusqu’aux initiatives xénophobes de l’Action nationale de Schwarzenbach. Elle plonge aussi dans un présent toujours mouvant. Car chaque personne est invitée à témoigner dans l’exposition, par écrit ou par oral. Cette exposition présente aussi l’opportunité de faire dialoguer les anciens saisonniers et les nouveaux travailleurs précaires de différentes origines.

Pour rappel, le statut de saisonnier a été aboli au niveau fédéral en 2002 seulement. Et ce grâce à la signature de l’Accord sur la libre circulation des personnes pour les ressortissants des pays de l’Union européenne et de l’Association européenne de libre-échange. Jusque-là, en l’espace de 70 ans, quelque 7 millions de personnes étrangères ont œuvré dans les branches de la construction, de l’industrie, de l’agriculture, de l’hôtellerie ou encore de l’économie domestique. Ce passé éclaire le présent, car l’exploitation continue sous d’autres formes. Comme l’avait si bien résumé l’écrivain suisse Max Frisch, en 1965, en réaction à la première initiative contre les étrangers: «Un petit peuple souverain se sent en danger: on avait appelé des bras et voici qu’arrivent des hommes.»


Voir également: "Les enfants de saisonniers sortent du placard..."

L’exposition est à voir jusqu’au 25 juin.

En lien avec l’exposition, une série de projections sont programmées au FilmPodium du 10 au 21 mars: Il valore della donna è il suo silenzio (1980) de Gertrud Pinkus, Interdit aux chiens et aux Italiens (2022) d’Alain Ughetto, Lo stagionale (1973) d’Alvaro Bizzarri, Appunti del passaggio (2016) de Maria Iorio et Raphaël Cuomo.

NMB Nouveau Musée Bienne, Bâtiment Schwab, Faubourg du Lac 50.

Filmpodium Bienne, Faubourg du Lac 73.

Le programme détaillé et plus d’informations sur: nmbienne.ch ou filmpodiumbiel.ch


Une journée de la mémoire

Le 11 mars, le Nouveau Musée Bienne propose une journée de la mémoire, en collaboration avec Unia, le service spécialisé de l’intégration de la Ville de Bienne et Filmpodium. De 13h30 à 16h, des personnes migrantes proposeront des visites commentées, en plusieurs langues, de l’exposition «Nous, saisonniers, saisonnières…1931-2022». Des échanges entre anciens saisonniers et immigrés d’aujourd’hui sont prévus entre 16h et 16h45. Au Filmpodium, apéro et soupe seront offerts dès 17h, avant la projection à 18h de Lo stagionale (1973) d’Alvaro Bizzarri, puis à 20h de Appunti del passaggio (2016) de Maria Iorio et Raphaël Cuomo.

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