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La redistribution des richesses au cœur du combat contre AVS 21

Rétraités d'Unia Fribourg en assemblée.
© Sylviane Herranz

Une cinquantaine de personnes ont participé à la rencontre et fait part de leurs inquiétudes quant à l’avenir des rentes.

Les retraités d’Unia Fribourg se sont réunis pour débattre des réformes en cours de la prévoyance vieillesse avec Pierre-Yves Maillard, président de l’Union syndicale suisse

Journée ensoleillée et hôte de marque pour les retraitées et les retraités d’Unia Fribourg mercredi passé. Ils se retrouvaient pour leur assemblée annuelle au Chalet de l’Entraide ouvrière au Pâquier-Montbarry, après deux années peu actives en raison de la pandémie. Pierre-Yves Maillard, Fribourgeois d’origine, Vaudois d’adoption et président de l’Union syndicale suisse (USS) avait gravi ce jour-là les premières pentes du Moléson pour y parler de réformes des retraites.

Après un accueil chaleureux et en musique, la cinquantaine de personnes présentes ont suivi avec attention chacune des paroles du chef de l’USS. «Nous sommes partis pour trois à quatre ans de lutte. Et dans cette lutte, on ne parle pas des “retraités”, on parle de l’organisation de la société, de la distribution des richesses. C’est ça le sujet», a-t-il lancé, rappelant à ses auditeurs que ce sont eux, hier, et les travailleurs d’aujourd’hui qui produisent les richesses. «Le salaire, c’est une partie de la redistribution. Une autre est destinée aux services publics et à la sécurité sociale, donc aux retraites. Une troisième va à ceux qui possèdent les richesses, avec les dividendes.» Si l’AVS est attaquée, a-t-il ajouté, c’est parce qu’elle est «le plus formidable instrument de redistribution».
Pierre-Yves Maillard a ensuite démonté l’argument de la droite qui prétend qu’augmenter l’âge de la retraite des femmes, puis de tous, est une question de démographie: «Si les élus bourgeois avaient eu le même raisonnement dans les années 1970, on travaillerait jusqu’à 71 ans aujourd’hui! Au lieu de ça, ils ont doublé les rentes. Ce qui compte, c’est que la masse salariale augmente aussi vite que l’espérance de vie.» Tout a ensuite basculé, vers 1990, avec le néolibéralisme souhaitant balayer le système de redistribution. «Depuis, dans le monde entier, tous les systèmes de retraite sont attaqués. Or, il est possible de maintenir l’AVS. Des solutions de financement, il y en a. C’est pour cela que l’on ne peut pas accepter la hausse de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans», a-t-il avancé, soulignant que les rentes sont aujourd’hui insuffisantes.

Folie dans le 2e pilier

La situation s’aggrave aussi dans les caisses de pension. «Une personne qui partira à la retraite en 2025 aura 20% de pension en moins avec le même capital! Si elle pensait toucher 2000 francs par mois de sa LPP, elle n’aura que 1600 francs. Pourquoi? Parce que la folie s’est emparée du monde du 2e pilier.» Et d’expliquer que la baisse des taux d’intérêt et de la valeur des obligations depuis la crise de 2008 a conduit à une baisse du taux technique, soit du rendement du capital de prévoyance, alors que celle des actions et de l’immobilier explosait. «Ils disent qu’il n’y a pas assez d’argent pour payer les retraites, mais depuis 2008, les caisses de pension ont accumulé 200 milliards de plus, portant les avoirs à 1000 milliards de francs. Elles se sont enrichies et les rentes ont baissé…»
Durant ces années, la Suisse a aussi connu «la croissance économique la plus spectaculaire de son histoire, de 30% environ. C’est pourquoi, il est inacceptable de baisser les rentes, il faut au contraire les augmenter, comme le prévoit notre initiative pour une 13e rente AVS. Même si cela ne comblera pas ce que les jeunes vont perdre dans le 2e pilier.»

Bénéfices de la BNS pour l’AVS

Autre argument contrecarré, celui qui prétend que les retraités doivent être solidaires des jeunes en acceptant une remise en cause de leurs acquis. «Il faut arrêter de croire que, si on vit plus longtemps, on doit travailler plus longtemps. C’est une question de répartition, et les richesses sont là!» Pierre-Yves Maillard a présenté les possibilités de financement dont l’AVS aura besoin à l’avenir, même si elle a fait 2 milliards de bénéfices l’an passé: hausse des cotisations, taxation des dividendes ou prélèvement sur les bénéfices de la Banque nationale suisse (BNS). Une dernière option privilégiée par l’USS: «Le bilan de la BNS est passé de 200 milliards à 1000 milliards depuis 2008. En moyenne, elle a fait un bénéfice de 26 milliards par année, et même de 40 l’année dernière. La BNS doit les redistribuer aux cantons et à la Confédération. Mais elle n’en a redonné que 4 milliards par an et 6 milliards l’année dernière.» Et les cantons n’en réclament pas plus… Pour tordre la Constitution, a-t-il ajouté, la BNS a créé une Réserve pour distributions futures. «106 milliards dorment aujourd’hui sur ce compte et personne ne sait à quoi l’utiliser. Cela permettrait de financer les 800 millions économisés sur le dos des femmes par AVS 21 durant 130 ans!»
Avec son initiative sur la BNS, la faîtière syndicale n’en demandera qu’entre 2 et 4 milliards pour l’AVS. Mais le temps est au combat contre AVS 21. Une bataille à mener «dans les têtes», a précisé le président de l’USS: «C’est une question de justice sociale, d’équité. En face, ils vont mettre des millions pour leur campagne. Nous n’avons pas cet argent, mais nous avons le droit et la justice pour nous!»

Riche débat autour des préoccupations

A l’heure du débat, de nombreuses préoccupations ont été exprimées. «Comment va-t-on financer l’AVS avec ces robots qui remplacent les salariés?» a lancé un retraité. Pierre-Yves Maillard a rappelé que l’innovation technologique date de plus de deux siècles et que la digitalisation, si elle détruit certains emplois, en crée de nouveaux. «Je ne crois pas à la disparition du travail humain. On aura davantage de retraités ces prochaines années, mais le nombre d’emplois et d’heures travaillées augmente aussi.» Un autre participant a expliqué, dubitatif, qu’il avait été informé d’une petite hausse de l’AVS… mais que, pour l’obtenir, il devait montrer sa feuille d’impôts. «Ils veulent voir si j’ai des économies. J’étais ouvrier, j’ai travaillé toute ma vie et mis quelque chose de côté. Et maintenant, ils serrent la vis…»
«Beaucoup de gens perdent leur emploi à 60 ans et les services sociaux les obligent à prendre leur retraite deux ans avant, ce qui veut dire une baisse de leur rente de 6,8% par année», s’est indigné un ancien secrétaire syndical. Le président de l’USS a proposé que les syndicats fassent pression sur les ORP pour qu’ils informent ces personnes de la rente-pont introduite au niveau fédéral, tout en signalant que les critères d’obtention sont encore très stricts comparés à ceux existant dans le canton de Vaud.
Président du groupe d’intérêts des retraités d’Unia Fribourg, Pierre-Alain Charrière s’est interrogé sur les prévisions alarmistes sur l’AVS. «Depuis Couchepin, les autorités font des prévisions catastrophiques. Alain Berset avait aussi prévenu en 2014 que, sans PV 2020, il n’y aurait plus d’argent. Or, en vingt ans, le fonds AVS a doublé de 20 à 40 milliards! Ces calculs sont-ils réels, quelque chose est-il tracé?» «Qu’influence un conseiller fédéral?» a répondu Pierre-Yves Maillard, expliquant par le menu être «descendu à la mine», lorsqu’il était conseiller d’Etat, pour voir comment ses services calculaient les effets des subsides LAMal. «L’administration ne change pas parce qu’un nouveau conseiller fédéral arrive», a-t-il défendu.
«On essaie de bricoler des choses dans le 1er pilier, mais si on prenait 2% de cotisations versées à la LPP pour l’AVS, on aurait des rentes supérieures à 3000 francs par mois. On pourrait mettre moins d’argent dans les caisses de pension et plus dans l’AVS», a encore plaidé un retraité. «Nous devrons parler d’un changement plus profond du système, mais plus tard, a conclu Pierre-Yves Maillard. Pour l’instant, il y a une attaque, nous sommes dans un combat défensif.»

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