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«L’attitude du Conseil fédéral est indigne d’un Etat de droit»

Les Aînées pour le climat manifestent pour le respect du droit.
Myriam Künzli / Greenpeace

Le Conseil fédéral a suivi le Parlement, sourd aux demandes des Aînées pour le climat qui réclamaient en juin dernier le respect du verdict de la Cour européenne des droits de l’homme.

Le Conseil fédéral a réfuté sa condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme pour inaction climatique. Les plaignantes, soutenues par Greenpeace, réagissent.

«C’est une gifle pour les Aînées pour le climat et pour toutes les femmes âgées, qui souffrent des conséquences du réchauffement climatique... L’attitude du Conseil fédéral est indigne d’un Etat de droit.» Dans un communiqué commun, les Aînées pour le climat et Greenpeace ont vivement réagi à la position adoptée par le Conseil fédéral. Celui-ci a précisé le 28 août dernier qu’il réfutait la condamnation du 9 avril de la Suisse par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour inaction climatique. Il a estimé que notre pays satisfaisait aux exigences de l’arrêt en la matière, se montrant très critique quant à l’interprétation des juges de Strasbourg sur ses efforts visant à limiter la hausse des températures. Il a fait valoir dans ce sens la loi révisée sur le CO2 de mars dernier ainsi que la loi fédérale de septembre 2023 relative à un approvisionnement en électricité sûr reposant sur des énergies renouvelables. Enfin, le Conseil fédéral a souligné s’opposer à l’extension du droit de recours des associations aux questions climatiques, estimant qu’il compliquerait la réalisation d’infrastructures urgemment nécessaires. Le Département fédéral de justice et police a toutefois reçu le mandat d’élaborer un rapport d’ici à 2025 qui devra analyser l’impact de l’arrêt sur la pratique de l’administration et des tribunaux fédéraux en la matière.

Sur la lancée des 3°C
«Le Conseil fédéral a suivi le positionnement des Chambres, ne faisant montre d’aucun courage politique. C’est grave pour un exécutif et particulièrement affligeant et irrespectueux à notre égard», commente Anne Mahrer, coprésidente des Aînées pour le climat. La militante note que les affirmations mises en avant par les autorités sur leur politique climatique ont déjà été réfutées ou rejetées lors de l’examen de la requête des plaignantes. Pour l’association et son partenaire, Greenpeace, le Conseil fédéral est incapable de démontrer en quoi les niveaux d’émissions anticipés par la Confédération sont compatibles avec le maintien du réchauffement global en dessous de 1,5°C. «Pour que la limite ne soit pas dépassée, il est crucial de respecter le budget carbone global restant.» Un budget qui doit être réparti entre tous les pays. «Jusqu’à présent, la Suisse n’a pas été en mesure de fournir des chiffres concrets concernant son budget carbone national... Sa part est nettement trop importante. Si tous les Etats agissaient comme le nôtre, l’élévation des températures pourraient atteindre 3°C», ajoute la coprésidente des Aînées pour le climat, précisant que la Suisse devra, d’ici au 9 octobre, présenter au Comité des ministres du Conseil de l’Europe une feuille de route des mesures prévues, ainsi qu’un calendrier de mise en œuvre. «Une requête contraignante? La Suisse peut être mise en demeure de le faire. L’arrêt est de force obligatoire», insiste Anne Mahrer, soulignant encore que les Aînées pour le climat et les organisations de la société civile pourront également envoyer leurs observations sur le plan d’action attendu. 

«Nous ne lâcherons rien»
«Même les objectifs climatiques les plus modestes n’ont pas été remplis. Nous transmettrons aussi nos chiffres en ce qui concerne le budget carbone», promet la militante, restant néanmoins inquiète quant au positionnement de la Confédération, susceptible d’inspirer d’autres gouvernements ne remplissant pas leurs obligations. «L’affaire est aussi suivie à l’international. Nous recevons beaucoup de sollicitations. Les juges ont écouté les scientifiques. Le politique doit s’en rendre compte, et la Suisse saisir cette opportunité. De notre côté, nous ne lâcherons rien, nous restons sur le pont», conclut Anne Mahrer, engagée sur ce dossier aux côtés de ses pairs depuis huit ans. A noter, précisent encore les deux organisations, que le verdict a déjà eu diverses répercussions hors de nos frontières. «Récemment, la CEDH a accordé une priorité à une requête contre la politique climatique de l’Autriche et a demandé à son gouvernement de répondre à plusieurs questions reposant en grande partie sur les exigences en matière de droits humains développées dans le verdict des Aînées pour le climat.» D’autres actions en justice ont aussi été engagées sur cette même base, notamment en Finlande et en Allemagne...

Mesures de protection à la carte...

Amnesty International s’est aussi exprimé sur le positionnement du Gouvernement suisse: «En faisant fi d’un arrêt décisif de la Cour européenne des droits de l’homme, il sape l’autorité de cette dernière et ne respecte pas les droits des personnes qui, en Suisse, sont les plus touchées par les conséquences du changement climatique.» Pour Alexandra Karle, directrice de l’ONG, le Conseil fédéral envoie un signal dangereux aux Etats du Conseil de l’Europe. «Il affirme que les arrêts de la Cour ne sont pas contraignants et que les mesures de protection du climat peuvent être prises à la carte. Cette position affaiblit l’Etat de droit et la protection des droits humains.» Amnesty a demandé à la Suisse de respecter ses obligations internationales en matière des droits humains et ses engagements climatiques. 

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