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Le 14 juin, c’est chaque jour

Au terme de plusieurs mois d’intenses préparatifs, le jour J est arrivé. Une journée combative et festive, écrite à l’encre violette, qui trouve un écho dans une vingtaine de villes, au sein d’entreprises, d’écoles, d’institutions, dans des manifestations, etc. Quatre ans après le 14 juin qui avait conduit un demi-million de participantes et de participants dans la rue – la plus importante mobilisation depuis la grève générale de 1918 – une nouvelle vague féministe déferle sur la Suisse. Un flot charriant des revendications plurielles, sociales et sociétales, portées par les syndicats, les collectifs féministes, différentes associations et toutes les personnes défendant une équité dans les faits et un monde plus inclusif. Un mouvement où les femmes ne se positionnent pas en victimes mais en actrices de leur destin, bien déterminées à se battre pour défendre une égalité inscrite dans la Constitution et la loi. A faire progresser une cause qui a connu quelques timides avancées notamment sur la redéfinition du viol dans la réforme du droit pénal sexuel ou la prise en compte de la précarité menstruelle dans quelques rares établissements scolaires. Il reste toutefois des montagnes à gravir pour changer les mentalités et promouvoir les mêmes chances pour tous, indifféremment du sexe.

Cette édition projette ainsi une nouvelle fois une lumière crue sur la situation injuste que subissent encore et toujours les femmes: discrimination salariale; double journée; violence domestique; harcèlement et sexisme ordinaires; féminicides. Une moitié de l’humanité continue à pâtir d’un système patriarcal se répercutant tout au long de la vie, dans les sphères privée et professionnelle. Avec, au travail, des écarts de rémunération de l’ordre de 20% par rapport à celles des hommes. Puis, à l’heure de la retraite, avec des rentes souvent misérables en raison de métiers exercés à temps partiel. Nombre de mères n’ont pourtant pas d’autres choix que de réduire leur activité, s’occupant toujours majoritairement de l’éducation des enfants et confrontées à un manque de places en crèche aux coûts de surcroît exorbitants. La réforme du 2e pilier, combattue par référendum, aura encore des effets délétères si elle s’applique, prévoyant des cotisations plus élevées pour toucher moins au final. Une révision pour le moins scandaleuse, alors qu’au nom d’une égalité de façade, l’âge de la retraite des travailleuses a été repoussé à 65 ans. Et que le travail non rémunéré qu’elles accomplissent – tâches ménagères, garde et soin des enfants, aide aux proches dépendants – n’est pas pris en compte. La Suisse ne s’est jamais distinguée en matière de politique familiale (une lapalissade!), elle qui a été la lanterne rouge en Europe dans l’introduction d’un congé paternité. Et on ne parle même pas d’un congé parental national.

Dans un autre registre, les féministes réclament davantage de moyens pour lutter contre le harcèlement et les violences sexuelles et sexistes. Rappelons, sur ce dernier point, la réalité dramatique des chiffres: dans nos frontières, chaque deux semaines, une femme perd la vie tuée par son mari, son partenaire ou ex-partenaire, son frère, son fils et parfois un inconnu. Une tragédie, illustration d’une loi du plus fort d’un autre temps.

Ce 14 juin va encore plus loin dans certaines attentes exprimées, réclamant la fin du régime patriarcal et capitaliste et l’avènement d’un modèle intégrant le respect des identités de genre et des minorités, sans discriminations. Un positionnement ambitieux qui, s’il s’écarte des fondamentaux, défend la vision d’une société plus tolérante et inclusive. Quoi qu’il en soit, si la Grève féministe opère comme point d’orgue de la mobilisation, seul un engagement au quotidien, dans tous les milieux et avec le soutien d’hommes solidaires, portera ses fruits. C’est en ne lâchant rien que les lignes finiront par bouger...