Secoya: 25 ans de soutien aux Yanomamis
Sylvie Petter travaille dans l’association Secoya, appuyée par E-changer, à Manaus au cœur de l’Amazonie. Elle revient sur la situation des communautés amérindiennes yanomamis
Quels sont les problèmes auxquels sont confrontés les Amérindiens et votre ONG?
On sent une augmentation des préjugés et des discours racistes vis-à-vis des autochtones (mais aussi des immigrés, notamment des Vénézuéliens qui se font lyncher à la frontière). Parallèlement, la récession financière au Brésil génère une réduction de fonds publics pour la Funai (la Fondation nationale de l’Indien). Cette organisation de défense des indigènes a donc moins de possibilités de se rendre dans les villages reculés, car elle ne peut plus financer ses coûts opérationnels. Les orpailleurs et les exploitants forestiers profitent alors en son absence d’envahir les territoires indigènes. Notre ONG, Secoya, ne dépend pas de fonds publics, mais collabore avec la Funai, donc cela fragilise aussi notre travail.
Plus spécifiquement, quelles difficultés rencontrent les Yanomamis?
Les problèmes de santé, surtout des maladies dont l’origine est la pauvreté. Les diarrhées chez les enfants sont fréquentes. Dans la région où nous travaillons, c’est surtout lié à des problèmes de contamination fécale – et non de mercure associé à l’orpaillage illégal comme cela peut être le cas ailleurs. Depuis le coup d’Etat parlementaire contre Dilma Rousseff, il y a une augmentation de la pauvreté, de la mendicité, de la violence, surtout dans les villes où nombre d’Amérindiens vivent pour étudier ou travailler et qui font le lien avec les villages. Mais nous gardons espoir, car face aux nombreux projets de lois contre eux et leurs terres, la mobilisation se renforce. A la suite de la Constitution de 1988 qui garantissait enfin des droits aux autochtones, ces derniers s’étaient un peu reposés sur ces acquis. Aujourd’hui, de nouveaux réseaux de mobilisation se créent. A chaque nouvelle attaque, des manifestations s’organisent permettant d’empêcher de nouvelles aggravations. Dans ce mouvement indigène global, les Yanomamis se mobilisent mais sont encore dans un processus d’apprentissage. De ce fait, ils peinent à percevoir les nombreux enjeux de la politique actuelle. Bien que le droit à l’autodétermination soit garanti par les conventions internationales, ce droit est actuellement menacé par un Congrès national majoritairement anti-indigènes. Secoya accompagne les Yanomamis dans leurs revendications et soutient ce processus d’apprentissage afin qu’ils puissent mieux défendre leurs droits et que le contact avec la société non indigène soit le moins traumatisant possible.
Secoya travaille aussi dans l’éducation différenciée…
Oui, l’éducation scolaire doit être adaptée à chaque peuple. L’alphabétisation se déroule en langue maternelle et la détermination des cursus se fait avec les indigènes. Il y a donc une formation des professeurs yanomamis dans ce sens.
En tant qu’infirmière, comment voyez-vous la médecine traditionnelle et la pratique du chamanisme?
Je la respecte, et je ne cesse de requestionner mes pratiques. Au point de considérer l’action spirituelle et communautaire comme des facteurs essentiels à la guérison. Je ne travaille pas avec le chaman, mais en parallèle, dans le respect. J’ai déjà vu des infirmiers entrer en conflit… puis être refusés par la communauté. J’ai, pour ma part, assisté à des résultats impressionnants, notamment lors d’accouchements qui n’avançaient pas. Quand le chaman arrive, le bébé naît. Pour les maladies infectieuses, apportées de l’extérieur, les chamans nous font généralement confiance. Pour eux, ce sont des maladies de Blancs qui doivent donc être guéries par les Blancs. La malaria figure comme l’un de ces fléaux. Les Yanomamis n’y étaient pas confrontés tant qu’ils étaient isolés, avant que des orpailleurs n’entrent sur leur territoire. C’est l’une des causes importantes de mortalité infantile. Pourtant, l’année passée, dans les centres de santé, ils manquaient de traitements. Alors qu’en cas d’épidémie, les médicaments devraient être distribués le plus rapidement possible.