Lors de la dernière assemblée des monteurs d’échafaudage vaudois, Unia a invité un spécialiste de la Suva pour parler sécurité
«Vous le savez, travailler avec le harnais est pénible mais, pourtant, il en va de votre sécurité!» C’est en ces mots que le secteur construction d’Unia Vaud avait invité les échafaudeurs, et tous les autres travailleurs des corps de métier utilisant un harnais, à se réunir le vendredi soir 12 avril, à la Maison du Peuple, à Lausanne.
Vingt-cinq monteurs ont répondu à l’appel. Dans le cadre de cette assemblée, Michel Duinker, architecte EPFL, ingénieur de sécurité pour la Suva a aligné en préambule quelques chiffres: «Malgré la baisse significative du nombre d’accidents professionnels depuis cent ans, on en dénombre encore 268 000 par année, soit plus de 1200 quotidiennement (à noter que le double d’accidents a lieu hors du cadre professionnel). De quoi se rappeler que ça n’arrive pas qu’aux autres.»
Chez les échafaudeurs, la Suva comptabilise 600 accidents par an, soit en moyenne environ 1 monteur touché sur 4. Glissades, faux pas, chutes pour 27% d’entre eux, 20% de heurts, 13% de chutes lors du montage et du démontage, mais aussi, dans une moindre ampleur, des accidents lors de déchargements, des transports, de la manutention et des déplacements de charges. Mais surtout, comme l’indique la brochure des huit règles vitales pour les travaux avec protection par encordement de la Suva: en Suisse, près de 25 personnes par an perdent la vie à la suite d’un accident lié à une chute «de hauteur» au travail.
Le harnais au quotidien
Par conséquent, la Suva préconise le port du harnais comme équipement de travail standard et permanent pour le monteur en échafaudage, au même titre que les habits de travail, les souliers de sécurité, le casque de protection avec jugulaire et des gants notamment. «La loi impose des protections contre les chutes dès 2 mètres de hauteur de chute», indique le spécialiste.
La pause d’un seul cadre sans harnais est toutefois légale. Un monteur observe: «Comment peut-on tolérer qu’on puisse poser un cadre à 2,50 mètres (de distance, ndlr), alors que le risque existe, que ce soit à 2 mètres ou à 10 mètres? C’est illogique!» Et l’ingénieur de répondre: «La durée d’exposition au risque est brève pour la pose d’un seul cadre, mais la répétition de cette situation dangereuse sur toute la journée n’est à mes yeux pas acceptable, c’est pourquoi je vous encourage à vous sécuriser en permanence.»
Reste que pour les échafaudeurs présents, le harnais est surtout synonyme d’inconfort, de maux de dos et de perte de temps, alors que la pression des délais pèsent aussi sur leurs épaules. «On sait qu’on est obligés d’utiliser le harnais. Si on ne l’utilise pas, c’est qu’il nous emmerde. Ça fait mal au dos. C’est lourd, en plus de tout ce qu’on doit porter. Et on n’arrive pas à faire le travail dans les temps…» souligne un échafaudeur.
«Si les conditions de travail et de sécurité ne sont pas optimales, je vous conseille d’en parler avec votre patron ou de changer de métier avant d’avoir un accident», rétorque l’ingénieur, tout en indiquant que la Suva n’est qu’un organe d’exécution.
Formation obligatoire
Pour utiliser un équipement de protection individuelle (EPI) contre les chutes, une journée de formation au moins, dispensée par un spécialiste, est obligatoire. La Suva rappelle l’importance de s’assurer au-dessus ou éventuellement à la même hauteur que le travailleur, à des points d’ancrage prévus à cet effet, par exemple sur les collerettes ou dans les oreillettes des cadres afin que le mousqueton soit perpendiculaire, mais surtout pas en biais sur un tube vertical.
Au niveau des protections collectives, les filets de ponts de couvreurs doivent être munis de mini sangles (du type «Spanset») et non de brides en plastique du type «Colson» encore si souvent utilisées.
«Comment faire pour secourir un camarade si l’on n’est que deux sur un chantier?» questionnent plusieurs travailleurs. «Dans les formations, tous les exercices se font à trois, avec deux personnes pour un accidenté. On n’apprend pas à le faire autrement.» Or, la majorité du temps, ils travaillent en duo. Une situation risquée, d’autant plus que le matériel de sauvetage (treuils, système de poulies par exemple) est souvent laissé au dépôt à en croire les travailleurs. «Le contrôleur de la Suva vient nous dire de porter le harnais. Mais ne dit rien au patron qui nous met sous pression, s’indigne l’un d’eux. S’ils veulent faire de la sécurité, qu’ils la fassent jusqu’au bout!» Reste que la Suva établit un rapport ensuite transmis au patron qui doit s’engager à remédier aux manquements.
Si une personne harnachée chute, elle doit être secourue en moins de vingt minutes, faute de quoi elle risque de subir de graves traumatismes dus au syndrome du harnais. «En suspension, le sang s’accumule dans les bras et les jambes, la pompe musculaire ne fonctionne plus, ce qui crée un problème sérieux de circulation du sang et peut mener jusqu’à la mort. Sans compter l’état de choc», souligne l’ingénieur de sécurité de la Suva.
Un travailleur explique: «Quand on se plaint au patron, il nous dit: “Si t’es pas content, la porte est là!”» Et un autre travailleur de relever: «On risque toujours de tomber. La peur est toujours présente…»