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Le salaire minimum genevois n’a toujours pas d’impact sur le chômage

salaire minimum Genève
© Olivier Vogelsang

Les Genevois ont voté à 58% des suffrages pour un salaire minimum de 23 francs de l'heure, en septembre 2020.

Le deuxième rapport présenté par le Département de l’Emploi et de l’Economie confirme les résultats du premier. Le salaire minimum a même eu un effet positif sur l’emploi des femmes.

Contrairement aux craintes exprimées par les associations patronales lors de la campagne de votation de voir le chômage exploser, l’introduction du salaire minimum à Genève en novembre 2020 n’a eu aucun impact significatif sur le taux de chômage. Le premier volet du rapport présenté en décembre 2023 par le Département de l’Economie et de l’Emploi (DEE) le démontrait déjà. Le 19 septembre, ce dernier a convoqué les médias pour présenter le second volet de l’étude, qui confirme le constat. Celle-ci, toujours menée par la Haute école de gestion de Genève (HEG) et l’Université de Genève, se base cette fois sur les données individuelles des chômeuses et des chômeurs genevois, extraites du système fédéral et utilisé par les ORP, permettant une analyse plus fine. La période analysée est de 56 mois, entre juillet 2018 et mars 2023, et couvre toutes les personnes inscrites dans un ORP dans les cantons de Genève, Vaud, Fribourg et Berne, soit plus de 120 000 personnes au bout du lac.

Bénéfique pour les femmes
Si le salaire minimum n’a pas eu d’effet sur le taux de chômage, en revanche, on peut tout de même dire que les femmes en ont bénéficié. «En général, la durée de chômage est beaucoup plus longue pour les femmes que pour les hommes», explique José Ramirez, professeur à la HEG et auteur de l’étude. «Cela s’explique par le fait qu’elles sont davantage concernées par les bas salaires, donc en mettant en place un salaire minimum, on augmente l’incitation à prendre un emploi qui se présente. Nous constatons donc que l’inégalité en matière de durée de chômage a baissé grâce au salaire minimum.» Concrètement, leur chance de retrouver un emploi a augmenté de 6,5% par rapport aux hommes. «Je me réjouis de voir que le salaire minimum a réduit les inégalités sur le marché de l’emploi, même si elles persistent malheureusement encore», a commenté Delphine Bachmann, conseillère d’état en charge du DEE.

Les jeunes lésés
A l’inverse, la chance de retrouver un emploi a diminué de 11,1% pour les 18-25 ans et les personnes les moins qualifiées (-5,3%), qui sont «les perdants» de l’histoire, selon les mots de José Ramirez, notamment les jeunes hommes sans formation. «Les 18-25 ans sont ceux qui traditionnellement restent le moins longtemps au chômage. On voit que le salaire minimum a freiné leur avantage à retrouver rapidement un emploi mais ils sont plus nombreux à se désinscrire du chômage (13,8%). Nous n’avons aucune donnée qui nous indique où ils vont mais l’hypothèse la plus probable est qu’ils se dirigent vers une formation.» Pour Delphine Bachmann, cette situation montre «l’importance pour les jeunes de se former pour retrouver un emploi».

Doutes levés
Les partenaires sociaux, présents autour de la table, ont pu commenter les résultats de cette étude. Pour Davide De Filippo, président de la Communauté genevoise d’action syndicale, ces conclusions étaient attendues. «La crainte de l’augmentation du taux de chômage exprimée par les employeurs est écartée mais ce n’est pas une surprise. Le retour des femmes sur le marché du travail est une bonne nouvelle mais était aussi prévisible: avant l’introduction du salaire minimum, elles avaient plus de mal à prendre un travail pénible et mal payé qui leur permettait à peine de couvrir leurs frais de garde d’enfant. Un salaire digne incite à retourner plus vite sur le marché de l’emploi. Quant à l’effet négatif sur les jeunes, il est vrai que le marché du travail s’est tendu ces dernières années, avec des employeurs qui exigent toujours plus de compétences et d’expérience. Nous en appelons a leur responsabilité et leur demandons de donner leur chance aussi aux plus jeunes.» 

Le président de l’Union des associations patronales genevoises (UAPG) s’est dit satisfait de ces résultats. «Nous n’avons pas d’esprit revanchard et trouvons rassurant qu’il n’y ait pas d’effet pervers. On ne peut que se réjouir de la correction des inégalités entre hommes et femmes», a souligné Pierre-Alain L’Hôte. Et d’ajouter qu’il serait intéressant de comprendre et d’analyser ce déplacement des chômeurs vers l’attrition, à savoir la désinscription. «Où vont-ils? Est-ce qu’ils se forment? Est-ce qu’ils quittent la Suisse? Est-ce qu’ils vont à l’aide sociale? Ou alors prennent-ils un travail au noir?»

Mieux accompagner
Delphine Bachmann confirme cette «impression de rester sur notre faim», mais rappelle la difficulté à obtenir ces données. «C’est une question transversale sur laquelle nous allons travailler avec mes collègues du Département de l'instruction publique et du Département de la cohésion sociale.» Dans tous les cas, les résultats de cette étude seront utilisés au sein du DEE et de l’Office cantonal de l’inspection et des relations de travail (OCIRT) pour mettre en place des mesures afin de faciliter le retour à l’emploi des populations davantage en difficulté et mieux les accompagner.

Deux derniers rapports seront publiés en 2025, l’un sur les effets du salaire minimum sur l’emploi et l’autre sur les salaires. 


La présentation de la première étude

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