Le salaire minimum jurassien doit s’appliquer aux vendeuses
Les syndicats montent au créneau afin que l’obligation de rétribuer l’heure à 20 francs au moins s’applique aussi au commerce de détail
Le 20 février, l’Etat jurassien a annoncé le renouvellement pour trois ans du Contrat-type de travail (CTT) dans le commerce de détail. Entré en vigueur en 2014 dans le cadre des mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes, il vise notamment à limiter la sous-enchère salariale. Le gouvernement justifie cette décision en raison des nombreuses infractions constatées par la Commission tripartite de libre circulation des personnes. Entre 2017 et 2019, près d’un tiers des entreprises contrôlées ne respectaient pas la grille salariale fixée dans le CTT. Membres de la commission, l’Union syndicale jurassienne, ainsi que les syndicats Unia et Syna ne peuvent que saluer cette reconduction. Le hic, c’est que, dans la foulée, le gouvernement a décidé de maintenir la grille salariale de 2017, dont les deux premiers échelons de salaires minimums, destinés au personnel non qualifié et aux personnes bénéficiant d’une formation de deux ans mais avec une expérience de moins trois ans, restent inférieurs au salaire minimum cantonal.
3120 francs brut par mois
Depuis le 1er février dernier, les employeurs jurassiens ont l’obligation de payer l’heure de travail 20 francs au moins. Des exceptions ont toutefois été prévues dans la loi pour les branches disposant d’un CTT, tels l’agriculture, l’économie domestique et le commerce de détail. En tenant compte du 13e salaire obligatoire, ces deux échelons du CCT de la vente se situent respectivement à 18,58 et à 19,55 francs l’heure. Le salaire mensuel minimum des vendeuses sans formation avec moins de cinq ans d’expérience est, pour un plein temps, de 3120 francs brut (versés treize fois), soit, après les déductions, moins de 3000 francs par mois.
«Des niveaux qui ne sont plus acceptables», jugent les syndicats dans une lettre envoyée vendredi dernier au gouvernement. Ils demandent que soient corrigés ou supprimés les salaires inférieurs à 20 francs l’heure. «Nous voulons que les travailleuses – la branche est occupée majoritairement par des femmes – obtiennent un salaire décent leur évitant de devoir recourir à l’aide sociale. Il est admis qu’un salaire horaire de 20 francs est le seuil minimal permettant à une personne seule de pouvoir vivre de son travail», explique la secrétaire régionale d’Unia Transjurane, Rébecca Lena.
Le gouvernement justifie sa position par la «situation économique actuellement difficile» dans laquelle se trouve la branche. «J’entends bien que la vente éprouve des difficultés, mais je ne pense pas qu’appliquer le montant du salaire minimum pour les trois catégories problématiques du CTT puisse faire mourir le commerce local. Malheureusement, ce ne sont souvent pas les petits commerçants qui abusent», répond la responsable syndicale. Selon le calcul d’Unia, passer de 18,58 à 20 francs ne coûterait que 240 francs par mois aux employeurs, soit un peu plus de 3000 francs par an. «L’effort à faire n’est pas énorme, mais ces montants aussi faibles soient-ils sont importants pour des personnes qui gagnent aussi peu.»
Dans leur courrier, les syndicats font encore remarquer que cette décision est «malvenue» à trois mois de la votation sur la libre circulation et provoquera, sous peine d’être revue, une «péjoration durable du climat social». «Nous espérons vraiment être entendus par le gouvernement», conclut Rébecca Lena.