Un mélange des genres qui pose problème
Trois questions à Laurent Gaberell, responsable agriculture et biodiversité chez Public Eye
Le Seco semble parfois agir comme un pur relais des intérêts de la place économique suisse, en particulier de Nestlé. N’est-ce pas le rôle qui lui est assigné?
Il semble clairement y avoir un mélange des genres qui pose problème. Le Seco est effectivement chargé de la promotion et de la défense des intérêts de la place économique suisse à l’étranger. Mais il est également responsable de la politique économique extérieure et assure la représentation de la Suisse au sein des grandes organisations multilatérales comme l’OMC. Or, au sein de ces institutions, le Seco peine à sortir de son rôle de relais et à prendre en compte d’autres préoccupations, ainsi que le point de vue de la société civile, des cantons, du monde scientifique ou même des autres services de la Confédération, contrairement à ce qui est prévu par son mandat.
D’autres départements fédéraux semblent avoir des avis différents que celui du Seco dans certains domaines. N’ont-ils pas leur mot à dire dans ce genre d’affaires?
En principe oui, ils devraient être consultés. Mais cela n’a manifestement pas été le cas. L’Office de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV), qui représente la Suisse au Codex alimentarius (Codex) de l’OMS et de la FAO, considère ainsi que chaque pays doit être libre de choisir son propre système d’étiquetage, selon ses besoins. Pourtant, à l’OMC, le Seco fait valoir que les pays ne devraient pas opter pour des étiquettes d’avertissement, car cela serait contraire au Codex.
Le Seco peut-il avoir une politique extérieure économique globale pour la Suisse qui prenne en compte l’intérêt public? Ne serait-ce pas plutôt au DFAE de déterminer la politique?
Le DFAE doit assurer la cohérence entre la politique économique extérieure helvétique et les engagements de la Suisse en matière de droits humains. Il n’est pas acceptable que le Seco continue de se comporter comme le lobby des multinationales lorsqu’il représente la Suisse au sein de l’OMC, au détriment des considérations de santé publique.
«Le Seco ne s’implique pas dans les affaires d’autres pays»
Contacté par Le Courrier, Nestlé ne répond pas directement à nos questions, mais déclare par écrit sur le fonds de l’affaire: «Nos réserves portaient sur la forme spécifique d’étiquetage proposée. Selon nous, les messages d’avertissement n’encouragent pas les consommateurs à effectuer des choix alimentaires plus sains parmi une même catégorie de produits.» Nestlé favorise aujourd’hui le système volontaire d’étiquetage Nutri-score, explique l’entreprise. Un système beaucoup plus favorable pour ses produits, rétorque Public Eye. «Le Nesquik obtient par exemple une note B, en vert, positive, avec le Nutri-score, alors qu’il est composé à 75% de sucre», détaille Laurent Gaberell.
Le Seco a, lui, répondu partiellement à nos interrogations. A la question de savoir pourquoi il avait pris position contre ces nouveaux étiquetages en Amérique latine, il déclare: «En cas de doute sur la conformité de la mise en œuvre avec les principes de l’OMC, la Suisse, comme le font les autres membres de l’OMC, pose des questions concernant les règlements techniques prévus.» Avant d’intervenir dans le sens de Nestlé, le Seco a-t-il consulté les organisations de protection des consommateurs et des consommatrices en Suisse et au Mexique et les autorités locales? «Le Seco ne s’implique pas dans les affaires nationales des autres pays. Il met en avant les éventuels problèmes pour le commerce créés par un nouveau projet de loi. Il appartient aux autorités nationales, en l’occurrence les autorités mexicaines, de déterminer la proportionnalité des mesures prises.»