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L’égalité est aussi une affaire d’hommes

Portrait de Gilles Crettenand.
© Neil Labrador

Pour Gilles Crettenand, coordinateur du programme MenCare, le modèle patriarcal est aussi insatisfaisant pour les hommes et les pères. 

Pour le programme romand MenCare, les hommes doivent faire leur part pour réduire les inégalités de genre. Entretien avec son coordinateur, Gilles Crettenand

Lancé en 2017, le programme romand MenCare vise la promotion de l’égalité, de l'engagement des pères et de la participation des hommes au domaine des soins en général. Les normes sociales contraintes par les institutions doivent changer et, pour ce faire, les hommes doivent faire leur part du boulot en devenant acteurs de ce changement. Telle est la devise de MenCare, qui propose des prestations s’adressant aux hommes par le biais de formations, de conférences en entreprise ou encore d’ateliers autoréflexifs lors desquels les hommes sont invités à partager leurs expériences et leur ressenti autour de la parentalité. Des espaces de parole dans lesquels des outils leur sont donnés pour se préparer à leur nouvelle vie et, éventuellement, la réorganiser. Mais aussi, des pistes pour déconstruire toutes ces injonctions de domination, de conquête et de puissance forgées depuis des siècles et qui ont des conséquences néfastes sur l’environnement et la société. A quelques jours de la grève des femmes, Gilles Crettenand, coordinateur du programme en Suisse romande, répond à nos questions.


Que pensez-vous du mouvement du 14 juin?

Nous partageons la même vision des choses en matière d’égalité et nous sommes évidemment solidaires. Nos objectifs sont identiques, sauf que nous travaillons du côté des hommes. Pour MenCare comme pour Männer.ch, il est clair que ce jour-là nous ne prendrons pas du tout la parole dans les médias. C’est aux femmes de pousser leur coup de gueule et de dire stop à ces inégalités entretenues par les institutions.

Est-ce que l'égalité est un combat qui doit être porté uniquement par les femmes?

Bien sûr que non, les hommes doivent comprendre qu’ils peuvent et qu’ils doivent changer les choses. Au-delà des belles paroles, ils doivent être dans le «faire».

De fait, le modèle patriarcal dans lequel nous vivons est aussi insatisfaisant pour les hommes: les inégalités salariales, la mauvaise répartition du temps partiel et l’absence de congés paternité et parental ont des répercussions négatives très claires sur la vie des hommes et des pères.

En quoi est-ce capital de mettre un congé paternité en place?

Avec l’Irlande et l’Albanie, nous sommes les derniers pays en Europe à ne pas en avoir! Le Conseil fédéral, qui a une nouvelle fois rejeté l’idée d’un congé paternité le 23 mai, est resté figé dans sa vision des années 1970. Il n’a pas compris les nouvelles réalités des générations actuelles. Un gouvernement ne doit pas répondre uniquement aux besoins matériels et économiques de sa population. Il doit également se soucier de son bien-être global. Pour le coup, le nôtre fait preuve d’un énorme manque d’empathie.

Le congé paternité, c’est permettre au père de créer un lien personnel avec son enfant, d’être présent auprès de la mère qui vient d’accoucher pour contribuer à mettre en place une nouvelle organisation familiale en quelques jours alors qu’il faudra des mois pour créer un équilibre familial. Il faut aussi souligner qu’un homme tout juste devenu père n’est pas efficace au travail: il est fatigué, soucieux et a la tête ailleurs. Une naissance est un choc émotionnel fantastique, mais aussi déstabilisant. Il faut lui laisser un peu de temps!

Quelles sont vos actions en faveur de l’égalité?

Nous revendiquons l’accès au temps partiel pour les hommes qui pourront ainsi davantage participer au travail de «care» (de soins) et donc libérer des postes aux femmes qui souhaitent faire carrière. Rappelons que c’est à l’arrivée d’un enfant que les inégalités explosent au sein du couple. Passer à 80%, lorsque la situation financière du couple le permet, pour faire le ménage et les courses n’est peut-être pas très motivant, mais c’est un effort qui relève de la responsabilité d’un partenaire, d’un père et d’un coparent. En vivant une paternité impliquée, en voyant grandir ses enfants, on obtient un meilleur équilibre de vie, et un homme heureux sera plus efficace au travail. Cela dit, c’est très compliqué aujourd’hui pour un homme de réduire son temps de travail. Les dirigeants sont soumis à une telle pression qu’ils n’ont pas le recul et la lucidité nécessaires pour voir autour d’eux les bénéfices prouvés en termes de retour sur investissement d’une organisation agile de leur management.

Les hommes, en tant que parent, doivent aussi prendre leurs responsabilités en matière de charge mentale domestique. Si l’on veut vraiment soulager sa femme, il ne s’agit pas seulement de réaliser la tâche qu’elle nous aura «attribuée» mais bien d’en prendre l’entière responsabilité. Cette coresponsabilité, les hommes doivent également la prendre en matière de sexualité. Ils peuvent par exemple plus s’impliquer dans le choix du moyen de contraception du couple, pourquoi pas en le prenant en partie en charge? C’est aussi leur problème, non? Mais changer d’attitude nécessite une réelle prise de conscience intime pour chaque homme de ce qui lui appartient et de ce qui ne lui appartient pas dans les stéréotypes de genre qu’il reproduit. De plus, le contexte et la situation individuelle (niveau de salaire par exemple) contraignent également leur liberté d’action. Chacun a ses contraintes qu’il faut respecter fondamentalement.

Pourquoi est-ce si dur d'obtenir cette égalité?

Nous ne sommes qu’au début du processus de sortie du système patriarcal. Le cœur du problème, ce sont nos institutions. Stables et rassurantes mais rigides, elles sont les défenseuses des modèles du passé et entretiennent les privilèges. Nous sommes dominés par l’hégémonie virile et la philosophie matérialiste et rationaliste. Le libéralisme veut continuer à nous faire croire que le bien-être matériel suffit; or, ce n’est plus vrai. Le pilier professionnel sur lequel tout repose a vécu; d’ailleurs, 25% des travailleurs se disent au bord du burn-out. Les hommes et les femmes veulent un meilleur équilibre entre leur vie privée et leur vie professionnelle.

Avez-vous le sentiment que les hommes sont sensibles à ces questions?

Oui. Les hommes en Occident s’intéressent plus à comprendre ce que vivent les femmes dans l’organisation sociétale en place depuis des millénaires. L’émancipation féminine pousse les couples parentaux à réfléchir sur la répartition des activités rémunérées et non rémunérées. Les hommes qui investissent la sphère intérieure de la famille voient les bénéfices existentiels à construire ce lien père-enfant qu’ils n’ont parfois pas eu avec leur propre père. Les papas du week-end d’autrefois deviennent aujourd’hui des pères du quotidien.

De même, les découvertes scientifiques autour des questions du genre, de l’identité et des sexualités permettent de déconstruire les mythes de la virilité comme seule représentante de la masculinité.

Pour aller plus loin

MenCare en Suisse romande c’est:

  • Une formation approfondie, repenser sa place d’homme dans ses activités professionnelles.
  • Des ateliers, des soirées, des cours en entreprise «Père et futur père».
  • Des midi-conférences en entreprise sur la conciliation vie professionnelle/vie privée.
  • Un film La naissance d’un père avec 18 pères et 14 professionnelles et professionnels de la périnatalité qui s’expriment: naissancedunpere.ch
  • Une exposition «Papas en Suisse» avec des débats sur la place des hommes dans la petite enfance.

mencare.swiss

maenner.ch

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