Le congrès s’est positionné sur la stratégie sociopolitique à suivre ces prochaines années, notamment le lancement d’une initiative populaire avec l’USS. Retour sur ces discussions
La dernière journée du quatrième congrès ordinaire d’Unia a eu lieu le 26 février à Bienne, après deux premières journées tenues en juin de manière décentralisée, pandémie oblige. A cette occasion, les 206 déléguées et délégués avec droit de vote ont pu débattre autour de quatre textes d’orientation, tous approuvés, et se positionner sur le lancement d’une initiative populaire.
Vania Alleva, présidente d’Unia, a inauguré le congrès en rappelant, très émue, les conséquences de la crise sanitaire sur les travailleurs, mais aussi la prochaine grande crise qui nous guette en lien avec la guerre en Ukraine. «La seule réponse à toutes ces crises, c’est plus de solidarité! Il est fondamental que nous, syndicats, continuions à défendre la justice sociale et la solidarité.» Face aux inégalités qui se sont encore creusées et face aux attaques de la droite, Vania Alleva a réclamé de meilleurs salaires, de bonnes conditions de travail et des horaires qui permettent de vivre dignement. «L’argent est là: l’année dernière, les entreprises suisses ont versé 42 milliards de francs de dividendes! Des améliorations sociales sont possibles et nous allons devoir nous battre pour les obtenir!» Le slogan de ce congrès, «C’est le moment!», prend alors tout son sens…
Sécurité de l’emploi
Le premier texte d’orientation soumis à la discussion, «Des droits des salariés forts: les mêmes pour toutes et tous!», a été introduit par Véronique Polito, du comité directeur. «L’emploi doit passer avant le profit!» Le texte réclame plus de droits pour les travailleurs, notamment à travers l’extension des CCT, un salaire minimum à 4000 francs pour tous et un 13e salaire, ou encore des contrôles efficaces et une véritable protection contre le licenciement. «Nous revendiquons le droit à un emploi fixe et nous lutterons contre toute nouvelle forme de précarité, à l’image du combat mené aux côtés des livreurs de Smood.»
Sur les propositions débattues et acceptées, nous retiendrons celle du groupe d’intérêts femmes qui demandait l’extension de la protection contre le licenciement après le congé maternité à 6 mois, au lieu de 16 semaines. Joie et applaudissements ont accompagné cette victoire, à la suite de quoi les femmes ont déployé une banderole sur laquelle était inscrit: «Les utopies d’aujourd’hui sont les réalités de demain».
Une autre proposition, validée par le congrès, demandait de doubler les délais de congé actuels pour les travailleurs de 50 ans et plus en cas de licenciement, dans une optique de dissuasion.
Egalité
Le second objet, «Pour plus de temps, plus d’argent et du respect!», a fait la quasi-unanimité, ne provoquant presque aucune discussion. «Très peu de progrès ont été obtenus depuis la Grève féministe du 14 juin 2019, regrette Vania Alleva. Les inégalités salariales se sont encore creusées avec 300000 francs de pertes estimées pour les femmes sur toute une vie de travail et un tiers de rentes en moins que les hommes. Quant aux analyses salariales prévues par la Loi sur l’égalité, nous restons sur notre faim.» Par ailleurs, le texte exige une tolérance zéro face au sexisme, au harcèlement et à la discrimination de genre, une meilleure conciliation entre travail et vie privée (grâce à un congé parental ou à la limitation du travail du dimanche et de nuit), une revalorisation des professions essentielles, notamment de la santé, et enfin, une réduction massive du temps de travail sans perte de salaire afin que le travail non rémunéré soit plus équitablement réparti dans les foyers. «L’égalité doit être un combat collectif», s’est exprimée Hürü Tat, qui milite dans le groupe d’intérêts femmes. «Plus de justice rendue aux femmes, c’est aussi l’affaire des hommes et de la famille.»
Avant de passer au point suivant, cinq nettoyeuses de la Clinique des Tilleuls à Bienne, rachetée par le groupe Hirslanden, sont montées à la tribune, ovationnées par les délégués, pour raconter leur combat contre l’externalisation de leur emploi et la perte de salaire qu’elle implique. Nous reviendrons sur leur lutte dans une prochaine édition.
Un avenir maîtrisé
L’avenir de notre planète et de notre économie a ensuite été abordé au cœur du texte d’orientation «Reconversion écosociale!». «Le réchauffement climatique est aussi un sujet syndical, car il a des répercussions sur des millions de travailleurs aux quatre coins du monde», a soulevé Nico Lutz, du comité directeur. «Nous devons agir ici et maintenant!» Le document appelle notamment à une réduction du trafic entre le domicile et le travail, à la décarbonisation de la société, à mettre en place une taxe sur le CO2 et à une reconversion de certains emplois dans des domaines durables et écologiques. Mais la revendication première, c’est une nouvelle fois la baisse du temps de travail. Les femmes d’Unia ont proposé de préciser une baisse du temps de travail à 25 heures par semaine, car «le temps est le bien le plus précieux». Dans sa contre-proposition, le comité central préfère une réduction «d’au moins 20%», soit environ 35 ou 36 heures ou quatre jours par semaine. «Si nous voulons que ça passe, il faut peut-être voir moins grand», justifie Vania Alleva, sans écarter, à plus long terme, la semaine à 25 heures. Les délégués ont opté pour cette dernière version.
Droits fondamentaux
Enfin, le dernier texte, «Pour une sortie de crise solidaire» appelle à un revirement politique, afin de «replacer au centre des préoccupations les besoins de tous les individus, leur travail et leurs droits». Un texte assez large qui demande, entre autres, un accès aux soins et aux services publics pour tous, une fiscalité juste, une politique d’asile humanitaire mais aussi une transformation numérique au service de l’humain et des travailleurs.
Pour une protection élargie contre les licenciements
En lien avec ces quatre textes qui serviront de stratégie au syndicat pour les années à venir, le congrès a dû se prononcer sur le lancement d’une initiative populaire au sein de l’Union syndicale suisse (USS). Est-ce opportun, ou non? Si oui, sur quel(s) sujet(s)? «Tous sont brûlants d’actualité, centraux, mais ils contiennent aussi tous une part de risque», a souligné la présidente.
Certains délégués ont pensé qu’il fallait laisser cet exercice aux partis politiques, et se concentrer sur le travail sur le terrain. Que deux initiatives, c’était trop, qu’Unia risquait de s’éparpiller.
Au final, les délégués ont fait le choix de proposer à l’USS le lancement d’une seule initiative, et ils ont voté en faveur du renforcement de la protection légale contre le licenciement.
«Depuis 1971, aucune avancée significative n’a eu lieu en matière de protection des licenciements, regrette Danielle Parmentier, de Genève. Malgré les plaintes déposées auprès de l’OIT et la médiation entre les partenaires sociaux et le Conseil fédéral, il n’y a aucun résultat.» Un autre Genevois raconte: «Je suis sur le point de prendre ma retraite, et après trente ans à la commission du personnel de mon entreprise, j’ai eu beaucoup de peine à trouver quelqu’un pour me remplacer, ils ont tous peur de se faire licencier de par leur statut.»
L’initiative, qui sera soutenue par Unia au sein de l’USS, prévoira une protection accrue pour les représentants du personnel mais aussi les mères, les travailleurs âgés ou les personnes ayant un statut de séjour précaire. Elle demandera des sanctions plus sévères en cas de licenciements abusifs, comme l’annulation du licenciement ou l’indemnisation du travailleur en question à raison de deux ans de salaire. Maintenant, il n’y a plus qu’à…
«Plus jamais de guerre!»
Le congrès d’Unia s’est prononcé sur plusieurs résolutions, dont l’une d’une brûlante actualité. A l’inverse des autres textes sur lesquels nous reviendrons, celle sur la guerre en Ukraine a suscité un large débat. La Jeunesse d’Unia a contesté l’appel à se joindre aux sanctions de l’Union européenne (UE), tout en étant favorable à celles touchant les oligarques. «Eux doivent payer pour leurs crimes, pas nos camarades russes de la base», a plaidé Nadine Swan, rappelant que les sanctions frappent en priorité la population civile. «Si les banques vont mal, ce ne sont habituellement pas les banquiers qui crèvent de faim!» a appuyé un autre jeune. Au vote, la proposition d’ôter la mention des sanctions a été rejetée par une courte majorité. La Jeunesse a en revanche emporté l’adhésion du congrès sur un point précisant que «la guerre en Ukraine est l’aboutissement d’un long conflit géopolitique entre l’OTAN et l’UE d’un côté et la Russie de l’autre» et sur l’annulation de la mention de «dénazification». «Des groupes néonazis armés sont actifs depuis des années en Ukraine, ils ont réduit en cendres une maison syndicale», a souligné Nadine Swan.
La résolution, adoptée au final par une large majorité des délégués, exige «l’arrêt immédiat de l’attaque criminelle contre la population ukrainienne», et exprime la solidarité d’Unia envers le peuple et les réfugiés. «Nous nous engageons pour que les frontières de l’Europe et de la Suisse restent ouvertes» et pour que notre pays fournisse «une aide humanitaire sans réserve». Le congrès exprime aussi son soutien aux partisans de la paix en Russie et demande que les personnes arrêtées lors des manifestations dans plus de 50 villes soient libérées. Il appelle à trouver une issue diplomatique et invite les membres d’Unia à faire des dons à des fonds d’aide syndicaux tels que le Fonds pour la paix en Ukraine de l’IBB. SH
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