Défenseuse des intérimaires d’Holcim en Inde et des minorités, Sudha Bharadwaj est en prison depuis trois ans. Quinze autres défenseurs des droits humains sont aussi incarcérés. Le Solifonds appelle à leur libération immédiate
Avocate et syndicaliste défendant les travailleurs intérimaires en Inde, notamment ceux de la multinationale franco-suisse Holcim, Sudha Bharadwaj croupit depuis bientôt trois ans en prison. En mai dernier, elle a contracté le coronavirus. Le Solifonds, organisation de solidarité des syndicats suisses, qui la connaît bien puisqu’il avait accompagné, en 2012, le Syndicat indien des travailleurs temporaires (PCSS) dans une plainte contre Holcim déposée auprès de l’OCDE, a lancé l’alerte face au danger encouru par Sudha Bharadwaj, les conditions de détention en Inde étant très précaires. Le Comité de solidarité avec les prisonniers politiques en Inde, qui regroupe des parlementaires et des représentants de syndicats suisses, dont Vania Alleva, présidente d’Unia, et Pierre-Yves Maillard, président de l’Union syndicale suisse (USS), a écrit à l’ambassadrice de l’Inde à Berne pour demander un traitement médical approprié et la libération immédiate de la syndicaliste et des quinze autres personnes détenues pour les mêmes raisons qu’elle. Une lettre a aussi été adressée à l’ambassadeur suisse en Inde pour qu’il rende visite à la syndicaliste.
Le Solifonds n’a pour l’heure pas de nouvelles récentes de Sudha Bharadwaj. Une action de solidarité va se tenir le samedi 12 juin à Zurich et une pétition a été lancée* pour exiger la libération immédiate de ces seize défenseurs des droits humains, tous détenus dans le cadre de l’affaire dite Bhima Koregaon. Parmi eux se trouvent des avocats, des universitaires, des artistes, des journalistes. Ils ont été arrêtés de manière échelonnée, quelques mois après des événements survenus lors de la célébration du 200e anniversaire de la bataille de Bhima Koregaon. Le 1er janvier 1818, un bataillon de Dalits, anciennement les Intouchables, avait contribué à la victoire contre la caste supérieure des Peshwas. Chaque année, des milliers de personnes convergent vers ce lieu, près de Pune. Le 31 décembre 2017, une manifestation publique s’y est déroulée. Le lendemain, des nationalistes hindous ont violemment attaqué les Dalits, et provoqué incendies et pillages. Un jeune homme est décédé. L’enquête policière a cherché à innocenter les nationalistes et à accuser les Dalits et les organisateurs comme les commanditaires de ces violences. Par la suite, l’accusation s’est élargie et s’est portée sur le Parti maoïste interdit.
Loi antiterrorisme
Le 28 août 2018, Sudha Bharadwaj et quatre autres personnes étaient arrêtées pour leurs liens présumés avec des rebelles maoïstes. Comme le mentionnait Le Monde peu après leur arrestation, «la police a invoqué la Loi UAPA (Unlawful Activities Prevention Act), aux contours très flous, qui permet d’emprisonner jusqu’à six mois, sans autorisation judiciaire, les suspects de terrorisme». Les premiers défenseurs des droits humains incarcérés dans le cadre de la même affaire avaient été arrêtés en juin de cette année-là. D’autres arrestations ont suivi. «La dernière personne incarcérée l’a été en octobre 2020. Il s’agit d’un prêtre de 84 ans, qui travaille avec les Adivasis, une minorité autochtone», indique Yvonne Zimmermann, coordinatrice du Solifonds. Elle rappelle que des collègues de Sudha Bharadwaj avaient participé, en 2014, au 55e Congrès de l’USS pour témoigner des terribles conditions de travail des intérimaires du ciment dans la filiale d’Holcim à Jamul, où les trois quarts des 1200 ouvriers étaient des intérimaires, engagés à long terme par des sous-traitants, et payés trois fois moins que les fixes.
Accusations infondées
Yvonne Zimmermann dénonce l’arbitraire de l’arrestation de Sudha et des quinze autres emprisonnés. «Ces personnes n’ont pas de lien direct. Elles travaillent toutes avec des sans-droits, les Dalits, les Adivasis, les travailleurs exploités, les femmes. Le seul point qui les unit c’est qu’ils ont critiqué la politique du gouvernement de Narendra Modi, le Premier ministre de l’Inde. Une grande partie d’entre eux n’étaient même pas présents lors des événements de Bhima Koregaon. Mais l’accusation est identique. On leur reproche de vouloir renverser le gouvernement et d’avoir des liens avec une organisation illégale, le Parti maoïste.» La coordinatrice ajoute qu’à chaque arrestation, des milliers de pages d’accusations sont produites. «Nous en sommes à plus de 20000! La conséquence, c’est qu’aucune procédure judiciaire n’a été ouverte!» Par ailleurs, les prétendues preuves utilisées à l’encontre des défenseurs des droits humains sont des documents introduits par un pirate informatique dans l’ordinateur d’une des accusées.
Répression en hausse
«Le Gouvernement indien est de plus en plus autoritaire et tente de faire taire toute critique à son égard. Le cas de Bhima Koregaon n’est pas un cas isolé», explique la coordinatrice. Ainsi, des milliers d’autres personnes, ayant par exemple participé aux immenses mobilisations de 2019-2020 contre un amendement excluant les musulmans du droit à la citoyenneté, ont été arrêtées. «Elles ont aussi été accusées en vertu de la loi contre le terrorisme. Cette Loi UAPA existe depuis longtemps, mais depuis l’arrivée au pouvoir de Modi en 2014, elle a été utilisée de manière beaucoup plus répressive.» Une hausse de 72% des cas où il a été fait référence à cette loi a ainsi été constatée.
Le Solifonds, en collaboration avec un groupe de femmes d’Amnesty International à Zurich, prendra part, le 12 juin, à une journée d’action européenne pour la libération immédiate des 16 de Bhima Koregaon. Il invite à s’y associer, notamment en signant la pétition en ligne.
Samedi 12 juin, de 13h15 à 17h30 à Zurich.
13h15, manifestation, point de rencontre à l'angle Kasernenstrasse/Postbrücke (près du parking à vélos) et marche vers Stauffacher. 14h45, prises de parole. 15h15, film. 16h, exposition de photos de Karin Scheidegger. 16h30, atelier Bollywood.
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