Licenciements M-Budget au bout du lac
Migros Genève vient de se séparer de vingt collaborateurs de manière plutôt expéditive et à bon compte. Soutenus par Unia, quatre salariés témoignent
«Un vendredi matin, je suis arrivée au travail, mon chef m’a convoquée pour une réunion, et là, on m’a annoncé que j’étais licenciée sur-le-champ. Je ne m’y attendais pas du tout, j’ai toujours été une collaboratrice loyale. Je suis partie sans pouvoir dire au revoir à mes collègues», témoigne Adeline*. C’est de manière plutôt expéditive que Migros Genève a procédé mi-février au licenciement collectif de vingt collaborateurs de son administration. Quatre d’entre eux ont témoigné devant la presse vendredi dans les locaux d’Unia. Agés de 35 à 58 ans, avec, pour certains, plus de trente ans d’ancienneté, ils ont été licenciés pour fin juin et libérés de l’obligation de travailler. «Ils nous ont dit qu’avec le tourisme d’achat et la concurrence de Lidl et Aldi, les chiffres n’étaient pas bons», raconte Adeline.
«Ça ne joue pas, rebondit un de ses collègues licenciés, Antoine*. L’année dernière, alors même que certaines enseignes du groupe étaient fermées, Migros Genève a enregistré un chiffre d’affaires supérieur à 2019.» L’homme explique que Migros Genève a lancé en 2018 le programme «Fit2020». «Le projet était de rendre l’entreprise plus dynamique et de faire des économies. Une réduction d’effectifs de 300 personnes était visée pour 2020. Le nombre de collaborateurs est passé de 3300 à 3000, certains ont été poussés à prendre une retraite anticipée.» Jusqu’ici, la coopérative genevoise, deuxième plus grand employeur du canton après Rolex, n’avait jamais opéré un licenciement collectif.
Dans la situation sociale actuelle, Unia juge inacceptables ces licenciements, surtout au regard du chiffre d’affaires et de l’engagement des travailleurs depuis le début de la pandémie. Les méthodes utilisées sont aussi inadmissibles.
Prévue par la loi, la procédure de consultation n’a pas été respectée dans la mesure où les personnes congédiées n’ont jamais été informées des intentions de l’entreprise et n’ont pu présenter d’alternatives aux licenciements. «Nous avons demandé de pouvoir prendre un autre poste, on nous a répondu que ce n’était pas possible et que les licenciements allaient continuer», déplore Maria*. «J’étais prête à passer caissière», assure Adeline.
Une toute petite indemnité
Une toute petite indemnité a été accordée: entre un et trois mois de salaires suivant l’ancienneté. Pour la toucher, les personnes concernées ont toutefois dû signer une clause de confidentialité prévoyant une pénalité de 6000 francs pour ceux qui rompraient le silence sur ces licenciements.
«Nous avons demandé par courrier leur annulation, Migros nous a réclamé les procurations des personnes qui nous ont contactés… Nous leur avons répondu que nous étions prêts à faire vérifier les procurations par un huissier, mais nous n’avons plus de nouvelles depuis», relate Pablo Guscetti. Le secrétaire syndical d’Unia Genève dénonce une «précarisation générale des conditions de travail». «Malgré la baisse des effectifs, la charge de travail reste le même, cela signifie des rythmes plus soutenus.» Quant au travail syndical, il est rendu pratiquement impossible. «Les secrétaires syndicaux n’ont pas le droit d’aller dans les Migros et de s’entretenir avec les salariés, qui ne sont pas correctement informés de leurs droits et qui ont peur.»
«Il sera difficile de trouver un nouveau patron, qui va se demander ce que nous avons fait pour être licenciés. C’est un peu comme si nous avions été virés de l’Etat», relève Antoine. Et sa collègue, Laura*, de conclure: «On me demande ce que j’ai fait pour être licenciée. Rien, j’ai toujours bien fait mon travail. Les copropriétaires de Migros, pour évoquer une campagne de pub récente, ont le droit de savoir comment la direction licencie. Nous sommes en grande partie d’un groupe d’âge qui aura beaucoup de peine à retrouver un emploi.»
*Prénoms d’emprunt.