Une soixantaine de personnes ont assisté à la table ronde sur l’avenir de la presse syndicale organisée à l’occasion de la fête des 20 ans de L’Evénement syndical
La fête d’anniversaire de L’Evénement syndical a réuni une soixantaine de personnes le 27 avril à la Maison de Quartier de Chailly à Lausanne. Militants de la première heure, collègues des régions romandes d’Unia et confrères d’autres syndicats sont venus trinquer à la santé de notre cher hebdomadaire. L’occasion de découvrir la nouvelle maquette du journal, son nouveau site internet, mais aussi de se retrouver et d’échanger au cœur d’une soirée conviviale animée par l’artiste engagé P’tit Jean. En prémisses, un débat sur l’avenir de la presse syndicale s’est tenu, avec la participation de plusieurs rédacteurs responsables de journaux syndicaux romands.
Paysage médiatique bouleversé
«On a tous 20 ans, ou du moins, on rêve tous chaque jour d’avoir 20 ans», a introduit Aldo Ferrari, vice-président d’Unia et président du journal. «L’Evénement syndical est jeune, vivace et libre de ses opinions dans une presse qui, aujourd’hui, ne l’est plus assez.» Laura Drompt, corédactrice en chef du Courrier, était présente pour animer le débat. Elle est revenue sur la concentration de la presse romande et sur la responsabilité qu’ont les médias au quotidien. «Il est capital d’avoir une vraie diversité de la presse et de l’opinion, à l’image de la presse syndicale, qui porte la voix des travailleurs dans un paysage médiatique où la pensée dominante les laisse de côté.» Sylviane Herranz, rédactrice en cheffe de L’Evénement syndical a rappelé l’importance d’avoir une presse syndicale forte qui continue à relayer les luttes et les revendications de la base. Pour Guy Zurkinden, du journal Services publics, l’évolution des médias est le reflet d’une évolution sociale. «Nous subissons une politique néo-libérale depuis trente ans. Aujourd’hui, les travailleurs sont confrontés à des changements très brutaux et doivent lutter pour maintenir leurs acquis historiques. De même, il est toujours difficile de donner la parole au monde du travail dans un pays où l’on cache les problèmes sociaux et où l’on invisibilise les gens d’en bas.» Ce dernier a déploré ces grands groupes de presse guidés par le business et le profit, «menant à un appauvrissement de la pensée» et «des médias à deux vitesses», mais aussi le fait qu’ils soient de plus en plus orientés. «L’UDC, par le biais de Christoph Blocher notamment, investit massivement dans les médias et diffuse ses messages à travers des tous-ménages. Il y a une volonté d’imposer une idéologie ancrée à droite.»
Défis de la presse syndicale
«Parfois, on a l’impression que les grands journaux découvrent certains sujets que nous, nous traitons sur le fond depuis des semaines, des mois, voire des années», a remarqué Laura Drompt, qui a interpellé les intervenants face à cette différence de traitement. «Ecrire dans notre presse syndicale ne suffit pas, a nuancé Vivian Bologna, de contact.sev; notre travail est aussi d’expliquer et de marteler les infos aux autres médias. Cela se fait sur le long terme et nous ne récoltons pas toujours les fruits de notre travail mais ça finit par venir. Il ne faut pas oublier que les rédactions sont de moins en moins fournies et que les journalistes ont de moins en moins de temps aussi…»
Sur l’avenir de la presse syndicale, Sylviane Herranz a insisté sur la complémentarité de la presse écrite et des médias sociaux, mais aussi sur l’interdépendance avec les organisations syndicales. «Nos journaux vont de pair avec nos syndicats. Nous ne sommes pas payés par des financiers mais par nos membres, d’où l’importance d’être au plus près de notre mission d’outil de mobilisation et de construction syndicale.» Vivian Bologna, du SEV, a soulevé la problématique de l’érosion des membres, qui touche tous les syndicats. «Nous avons du mal à conquérir les 20-40 ans. Pour les toucher, nous devons être présents sur différents canaux et c’est l’un des grands défis qui nous attend.» Enfin, pour Guy Zurkinden, le débat doit se faire dans les syndicats. «Les centrales doivent se questionner sur quel syndicalisme elles souhaitent: est-ce qu’on garde les mêmes recettes? Est-ce qu’on continue à privilégier le partenariat social, ou est-ce qu’on passe à une lutte plus combative? Ce sont à elles de donner l’impulsion. Nous, journaux, suivons.»
Vers un journal syndical romand?
Dans le public, un militant s’est interrogé sur les raisons de la division de la presse syndicale, à l’heure où les syndicats ont tendance à se rapprocher. Pour rappel, L’Evénement syndical, durant cinq ans, avait collaboré avec le SEV pour certaines pages. «La création d’un vrai journal syndical romand est une perspective à laquelle il faut réfléchir, a déclaré Sylviane Herranz, partisane de l’idée. Mettre nos forces en commun serait tout à notre avantage et ce serait une façon d’ouvrir le débat. Mais la discussion doit se faire au-delà des rédactions.» Vivian Bologna a émis plus de retenue. «Chaque syndicat est centré sur ses propres luttes et, aujourd’hui, je crois qu’il n’y a pas la volonté du côté de nos organes dirigeants. Il y aurait une ouverture pour collaborer et créer des synergies sur certains articles, mais pas au-delà.» L’assemblée, elle aussi, a semblé sceptique quant à la création d’un seul et même journal, mais a encouragé à une plus grande collaboration entre les rédactions et s’est réjouie de l’indépendance de celles-ci vis-à-vis de leurs centrales.
Passionnante, la discussion s’est poursuivie autour d’un verre et de gourmandises, de manière plus décontractée. La rédaction de L’Evénement syndical tient à remercier toutes les personnes présentes à cet anniversaire, mais aussi tous ceux qui n’ont pas pu se déplacer et qui lui ont adressé de gentils messages.