«Nos droits démocratiques sont en jeu!»
A Neuchâtel, les autorités ont refusé le parcours demandé à l’occasion de la Grève féministe. Unia entend bien se battre au tribunal et dans la rue pour défendre l’accès à l’espace public
Au printemps 2023, les organisatrices de la Grève féministe à Neuchâtel, dont Unia, sont appelées à négocier le parcours de la manifestation qui aura lieu le 14 juin. «Nous voulions passer par l’avenue de la Gare avec un rassemblement à la gare, c’était le scénario le plus logique, et d’ailleurs celui que nous avions obtenu en 2019, raconte Solenn Ochsner, secrétaire syndicale à Unia Neuchâtel. Les Transports publics neuchâtelois (TransN) ont tout de suite mis les pieds au mur, en nous menaçant de devoir payer entre 25000 et 30000 francs, qui correspondraient aux dommages collatéraux liés au blocage de la route.» Le chemin alternatif proposé est la ruelle Vaucher. Un passage étroit, avec des escaliers et peu de visibilité.
«Nous ne pouvions pas accepter cela!» s’indigne la syndicaliste. Le Conseil communal a, à son tour, refusé la requête des féministes. Celles-ci ont fait une demande de reconsidération la semaine précédant le 14 juin, qui s’est soldée par un nouvel échec.
«Nous avons ensuite formulé un recours administratif auprès du Canton, qui a été refusé le jour même de la mobilisation. Nous avons donc envoyé, le 14 juin, un recommandé au Tribunal cantonal neuchâtelois contre cette décision.»
Changement de parcours
Arrive l’heure du départ de la manifestation. Le cortège, qui a rassemblé jusqu’à 7000 personnes, débouche devant la ruelle Vaucher. «Nous étions très nombreuses, avec des familles et des poussettes, c’était trop dangereux d’emprunter cette rue-là. Nous avons estimé que nous étions dans nos droits: pour nous, la décision était encore pendante puisque nous avions envoyé le recours au Tribunal cantonal. Vers 18h15, nous avons donc informé la police que nous allions passer par l’avenue de la Gare. Nous avons attendu que les agents ferment la route pour pouvoir défiler en toute sécurité.» La manifestation a suivi son cours, sans incident.
«Pour nous, tout cela relève de l’injustice, commente Solenn Ochsner. D’autres manifestations immobilisent cette rue pendant plusieurs heures, voire plusieurs jours, à l’image du BCN Tour, et cela ne dérange personne. Il y a deux poids deux mesures, et ce n’est pas acceptable.»
Campagne en cours
Le soir même, la syndicaliste, qui était responsable du parcours, est informée par téléphone qu’elle sera convoquée par le procureur général à la suite de cet incident. Et en effet, quelques semaines plus tard, Solenn Ochsner apprend qu’elle sera auditionnée durant l’été. «Bien que la Ville de Neuchâtel et les TransN aient renoncé à porter plainte contre moi, une plainte pénale pourrait être déposée par le procureur général, mais nous en saurons plus après mon audition.»
De son côté, Unia ne compte pas abandonner. Le Tribunal cantonal a 30 jours pour répondre à son recours déposé le 14 juin qui appelle à la défense de la liberté de réunion, d’expression et de manifestation et qui dénonce l’ingérence des autorités dans ces libertés. «C’est scandaleux, et nous sommes prêtes à nous battre et à aller jusqu’au Tribunal fédéral pour le respect des droits démocratiques à Neuchâtel, mais aussi dans toute la Suisse. En plus de la lourdeur administrative, des contraintes et des délais imposés pour les demandes d’autorisation, il devient de plus en plus difficile de négocier et de discuter avec les autorités dans le cadre de manifestations et d’accès à l’espace public. Les choses doivent changer!»