Le personnel des magasins est soumis à des conditions de travail inacceptables, sans mesures de sécurité
A la suite de l’annonce de l’état de nécessité en début de semaine dernière et au déferlement inédit de clients venus se ruer sur les denrées alimentaires, Unia Genève a été submergé d’appels. «Les employés du commerce de détail nous ont décrit des agressions verbales par les clients, un effet de panique mais aussi des inquiétudes très fortes, car aucune mesure concrète n’avait été mise en place par les employeurs pour les protéger à ce moment-là», rapporte Pablo Guscetti, responsable de la branche. Unia a interpellé les patrons et l’Etat, à la suite de quoi l’Office cantonal de l’inspection et des relations du travail (Ocirt) a listé, le 17 mars, toutes les dispositions que les magasins devaient mettre en place. «C’est une bonne chose, mais aujourd’hui aucun magasin ne respecte l’intégralité des consignes.» Le syndicaliste souligne également le dilemme auquel sont confrontés les salariés: «Certains ne sont pas “à risque” mais sont en contact avec des membres de leur famille qui le sont, ce qui ne leur permet pas d’être astreints. Ils sont donc partagés entre la peur de perdre leur emploi et celle de mettre en danger leurs proches.»
«Ils ne pensent qu’au profit»
Nadine*, vendeuse, décrit l’agitation jamais vue dans son magasin: «Aux premières annonces, on avait 300 clients d’un coup, complètement intenables, ne respectant pas les distances de sécurité. Des vrais sauvages! Quand on a demandé de limiter cet afflux, les supérieurs nous ont répondu: “Hors de question!”, et le lendemain, ils se réjouissaient du chiffre effectué.» Quand les consignes de l’Ocirt sont tombées, Nadine et ses collègues ont exigé la limitation du nombre de clients dans le magasin, sans quoi ils arrêteraient de travailler. «Ils ont fini par restreindre à 50 personnes, mais c’est encore trop! Entre collègues, on a aussi de la peine à tenir nos distances, on est les uns sur les autres.» Aujourd’hui, ils travaillent avec des gants mais les masques restent interdits car, selon la direction, ils enverraient un mauvais message aux clients. «D’un magasin à l’autre, le discours n’est pas le même. Certains ont des plexiglas, d’autres non. Le gros problème, c’est qu’on ne se sent pas soutenus par nos supérieurs: ils se fichent de ce que l’on ressent et de ce que l’on vit sur le terrain. Ils nous répètent sans cesse de ne pas nous inquiéter et qu’on ne risque rien. Ils minimisent les choses et ne pensent qu’au profit...»
*Prénom d’emprunt.