Pas de moratoire sur les procédures d’asile
Après une semaine de suspension des procédures, le Conseil fédéral a annoncé leur reprise, avec des règles temporairement modifiées. Inquiétudes d’ONG
En raison de la pandémie de coronavirus, plusieurs associations actives dans le domaine de l’asile étaient montées au front pour réclamer la suspension des procédures. Parmi les principales raisons évoquées, les problèmes de distanciation sociale lors des auditions et la nécessité de recourir aux transports publics pour les différents acteurs impliqués dans la démarche. La question de la protection juridique figurait aussi au cœur des inquiétudes, plusieurs organisations s’interrogeant sur le respect d’une procédure équitable avec la difficulté pour les personnes soutenant les demandeurs d’asile et les interprètes d’assurer leurs prestations en raison de la réduction ou de l’interruption de leurs activités, générées par la crise sanitaire. La veille encore de la conférence de presse tenue sur le sujet par le Conseil fédéral (CF), le 1er avril dernier, la Plateforme «Société civile dans les centres fédéraux d’asile» avait demandé dans une lettre ouverte à la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter d’abandonner provisoirement les auditions. En vain. La cheffe du Département de justice et police a estimé que l’Etat de droit devait continuer à fonctionner. Elle a aussi argué qu’un report de l’examen des requêtes poserait des problèmes de capacité d’accueil dans les centres fédéraux et de respect des mesures d’hygiène. Berne poursuivra donc son attribution des requérants aux cantons aussi appelés à trouver des hébergements supplémentaires.
Délai de recours prolongé
Dans ce contexte, si le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) a mis le processus sur pause durant une semaine, il a repris le 6 avril. Le temps pour ce dernier de «procéder à différents ajustements», comme le précise le CF dans son communiqué. Concrètement, le SEM souligne avoir doublé le potentiel d’hébergement. Il a notamment décidé de rouvrir le Centre fédéral pour requérants d’asile de Muttenz et prévu de réaffecter des installations civiles et militaires au besoin. Le SEM s’est également résolu à restreindre le nombre d’intervenants dans une même salle lors des auditions, prévoyant des moyens techniques pour pallier cette situation comme la vidéoconférence. L’examen des demandes pourra même se dérouler exceptionnellement en l’absence d’un représentant juridique dans certaines régions. En compensation, il étend le délai de recours de 7 à 30 jours ouvrables. En raison de la forte diminution du trafic aérien, les délais pour l’exécution des renvois des requérants déboutés seront susceptibles d’être portés à 30 jours, voire davantage. L’ordonnance réglant ces nouvelles dispositions durera au minimum trois mois.
Garantir la protection juridique
Amnesty International (AI) salue ces mesures mais continue à réclamer un moratoire sur les procédures d’asile et les expulsions. La possibilité d’effectuer des auditions sans représentation légale est jugée particulièrement problématique quand bien même le délai de recours est prolongé. Même appréciation de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés qui, si elle se réjouit des adaptations urgentes, estime que la «protection juridique doit être garantie dans tous les cas». Elle recommande donc fermement de renoncer à entendre le requérant en l’absence de ce soutien. A noter encore que AI réclame aussi un renforcement du dispositif de prévention dans tous les centres d’hébergement. L’ONG précise avoir reçu plusieurs photos anonymes montrant «des conditions d’hygiène douteuses» et recueilli des témoignages faisant état «de peu d’empressement à mettre en œuvre les règlements de police sanitaire» dans certaines structures d’accueil. Les risques de propagation de la pandémie liés à l’utilisation de transports publics pour se rendre aux auditions et la nécessité lors de l’examen d’admissions provisoires des réfugiés de documenter leur état de santé via des rapports médicaux, chargeant le système de santé, sont aussi pointés du doigt. AI se positionne encore en faveur de la fin de la détention administrative des requérants déboutés et des migrants en raison de l’impossibilité des renvois.