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Procédure d’asile: équité et qualité mises en cause

Panneaux indicateurs pour un centre d'accueil de requérants d'asile.
© Neil Labrador/Archives

Fausse route. Selon la Coalition des juristes, le rythme trop rapide des procédures d’asile nuit à la qualité des instructions. Elle en veut pour preuve le taux élevé de recours admis, soit près d’un quart.

Une coalition de juristes indépendants a dressé un bilan de la restructuration du domaine de l’asile. L’accélération des procédures porterait préjudice à l’équité

Des procédures menées au pas de charge nuisent à la qualité des instructions et à un traitement équitable des demandes d’asile: voilà la conclusion principale que tire la «Coalition de juristes indépendants pour le droit d’asile». Dans un récent rapport, le groupe – qui réunit différentes permanences juridiques, avocats et organisations actives dans le domaine des réfugiés – dénonce plusieurs dysfonctionnements dans la restructuration du domaine de l’asile. Entrée en vigueur en mars 2019, cette refonte visait principalement à accélérer les procédures. Elle fait aujourd’hui l’objet de vives critiques de la Coalition et ce malgré les garde-fous mis en place, en particulier le droit offert aux exilés de disposer d’une représentation juridique gratuite, financée par l’Etat. Le travail effectué par le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) chargé de l’examen des requêtes en première instance est jugé «médiocre». Et les arrêts du Tribunal administratif fédéral (TAF) en cas de recours, aussi affecté par la nécessité d’agir vite, sont «qualitativement discutables». Pour mener à bien son enquête, l’alliance a effectué une analyse qualitative et quantitative d’une base de données et de 75 cas choisis.

Recours admis dans un quart des cas

Plus en détail, la Coalition note qu’en raison d’un rythme trop rapide des procédures, le SEM a fréquemment failli à son devoir d’instruction. En particulier sur l’établissement de faits relatifs à la situation médicale de requérants ou d’informations plus générales. Les auteurs du rapport en veulent pour preuve le taux élevé d’arrêts rendus par le TAF depuis la mise en œuvre de la nouvelle pratique: près d’un quart des décisions en première instance ont été cassées. Une situation qui pourrait être évitée. Pour les cas complexes, le SEM bénéficie en effet d’une marge de manœuvre et peut traiter la demande d’asile dans le cadre d’une procédure étendue. En d’autres termes, il a la possibilité d’attribuer le requérant à un canton, cela permettant d’agir sans précipitation en effectuant un examen approfondi. Or, dénoncent les juristes, cette solution est rarement retenue – le transfert n’intervient que dans 18% des cas au lieu des 40% prévus initialement – contraignant les acteurs concernés à agir dans des délais très courts. Le travail rempli par la protection juridique mandatée par l’Etat est aussi questionné. Chiffres à l’appui, la Coalition note qu’elle fait rarement appel contre les décisions négatives: le taux de recours déposés dans les centres fédéraux se monte à 12,5%. Ce dernier, de surcroît, varie fortement d’une région à l’autre, se révélant quatre fois plus élevé en Suisse romande qu’en Suisse orientale par exemple. L’appréciation de cette défense financée par l’Etat est pourtant souvent erronée: les représentants juridiques indépendants ont, de leur côté, déposé de nombreux recours, dont 23% avec succès.

Course contre la montre

Le collectif suppose que le facteur temps n’est pas étranger aux révocations de mandats des juristes officiels. Les décisions négatives doivent en effet être contestées dans un délai de cinq à sept jours, contre trente lors de procédures étendues. Cette situation se révèle d’autant plus problématique pour les requérants d’asile déboutés qui, abandonnés à leur sort, décident de solliciter l’aide de juristes extérieurs. S’engage alors une véritable course contre la montre rendue encore plus ardue par l’éloignement géographique de certains centres fédéraux.

La Coalition se montre aussi sévère quant à la qualité des jugements rendus par le TAF qui pâtiraient aussi du tempo imposé des procédures. «Dans certains cas, des faits allégués ont été “oubliésˮ et ont dû être réintroduits par le biais de demandes de révision. Les arrêts du TAF sont rendus très rapidement et relèvent le plus souvent d’un juge unique. C’est critiquable...» A noter encore que l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) avait elle aussi, en février dernier, dénoncer «certains déséquilibres» du nouveau système. «Les autorités se concentrent sur l’accélération, quitte à négliger l’équité et la qualité des procédures», avait-elle critiqué.

Pas une science exacte

Dans l’émission Forum de la RTS du 11 octobre dernier, Emmanuelle Jaquet, porte-parole du SEM, a réagi aux reproches de la Coalition. Elle a d’abord rappelé que la réforme, largement acceptée en votation populaire en 2016, devait permettre aux requérants d’asile d’être rapidement fixés sur leur sort. Pour la collaboratrice de l’Etat, le nombre de recours acceptés est la preuve que le système fonctionne, que le TAF fait son travail et que le rythme imposé ne nuit pas à la qualité. Emmanuelle Jacquet a encore souligné qu’en un an, le SEM avait statué sur plus de 7300 cas, que chaque dossier se révèle complexe et que l’asile n’est pas une science exacte. A noter enfin qu’elle a annoncé la publication, l’été prochain, d’une étude confiée à deux organisations indépendantes sur la restructuration du domaine. Et affirmé que des améliorations seront introduites si nécessaires...

Adaptations indispensables

La Coalition des juristes indépendants a conclu son rapport par une série de revendications. Elle exige, entre autres demandes, «le respect par le SEM de sa responsabilité en matière d’établissement des faits et donc aussi un assouplissement des délais de traitement en première instance». Elle réclame également un «triage minutieux» des cas et le transfert systématique de ceux qui se révèlent complexes dans une procédure étendue. La prolongation du délai de recours ainsi que leur traitement par le Tribunal administratif fédéral figurent encore au rang de ses requêtes. Pour cette dernière, les représentants juridiques financés par l’Etat doivent en outre préciser clairement les motifs qui les conduisent à révoquer leur mandat et, à ce sujet, faire montre d’une pratique moins restrictive.

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