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Quand le patron abandonne son poste

Les employés de Carletti
© Thierry Porchet

Accompagnés de deux secrétaires syndicaux, les travailleurs ont cherché en vain à rencontrer l’administrateur de leur entreprise.

Des employés d’une entreprise genevoise de plomberie sont restés sans nouvelles de leur patron pendant deux semaines, puis ils ont été licenciés sans être payés. Unia est sur le dossier

Les faits sont à peine croyables. Début mai, le patron de l’entreprise Carletti Sanitaire SA impose à ses sept employés de prendre des vacances, du jour au lendemain. Et à leur retour, mi-mai, le patron a disparu de la circulation et reste injoignable. «C’est rare et bizarre, mais on est face à un abandon de poste du patron», déclarait José Sebastiao, responsable du secteur du bâtiment à Unia Genève, lors d’une conférence de presse convoquée le 23 mai.

Quelques jours plus tard, le 29 mai, les travailleurs n’ayant toujours pas reçu leur salaire et restant sans nouvelles de leur patron, ils se sont rendus auprès de la fiduciaire qui assure la gestion comptable de Carletti Sanitaire. «Sur le Registre du commerce, le patron de cette même fiduciaire est nommé comme administrateur de l’entreprise, poursuit le responsable syndical. Nous allons donc demander à ce dernier de prendre ses responsabilités en assurant la gestion de la société, des chantiers et de verser les salaires des employés. Nous allons également lui signifier le licenciement avec effet immédiat du patron par les travailleurs pour abandon de poste.»

L’administrateur visé est, lui aussi, aux abonnés absents. «Si la faillite est prononcée, on se retrouve dans un imbroglio, craint José Sebastiao. Est-ce que l’assurance insolvabilité va indemniser les travailleurs pour les jours où ils ont été présents, soit depuis la mi-mai, mais qu’ils n’ont pas travaillé?» 

A l’heure où nous mettions sous presse, les employés avaient fini par recevoir une lettre de licenciement. Le courrier informe qu’une demande de mise en faillite a été déposée le 16 mai (après le retour des employés de vacances, donc) mais que le tribunal n’a pas encore rendu sa décision. Unia s’est rapproché de l’Office des faillites et, en effet, l’entreprise aurait passablement de dettes. «Nous craignons que ce soit une nouvelle faillite frauduleuse, avec un employeur qui laisse une ardoise qui devra être réglée par la collectivité», commente José Sebastiao. 

«A la suite de notre visite, le patron de la fiduciaire s’est engagé par mail à verser les salaires du mois de mai, informe Joan Gesti Franquesa, secrétaire syndical, qui suit le dossier. Ils nous ont demandé d’être patients. A ce jour, les employés n’ont rien reçu. On est sceptiques, mais on attend...»

L’Evénement syndical a tenté de joindre l’administrateur de l’entreprise à plusieurs reprises, sans succès. 

Travailleurs inquiets et en colère

Les employés de Carletti, tous pères de famille, sont consternés. «Le patron n’a pas fait les choses dans les règles et il n’assume pas ses responsabilités, lance l’un d’eux. C’est incompréhensible! On avait commandé du matériel prêt à être livré. On avait aussi des chantiers à finir qui auraient fait rentrer de l’argent. C’est pas logique de tout laisser en plan!» Ne voyant pas l’argent arriver à la fin du mois, certains ont pris les devants. «J’ai dû mettre ma fierté de côté et demander de l’aide à l’Hospice général, raconte Michel. Ça n’a pas été facile pour moi de faire la démarche, mais j’ai obtenu un prêt de 3900 francs pour payer mes factures. Je suis soulagé pour l’instant mais ça va durer combien de temps encore?» D’autant qu’il se pourrait bien que les dégâts soient plus importants… «Je me suis renseigné auprès des services compétents qui m’ont informé que l’employeur n’avait pas versé les cotisations sociales pour l’année 2023: il a bien prélevé l’AVS et les autres charges chaque mois sur mon salaire, mais ne les a pas reversées. Ça doit sans doute être pareil pour 2024...» Les travailleurs restent mobilisés et déterminés. 

Le jeu dangereux des fiduciaires

Ce n'est pas la première fois que le syndicat dénonce la confusion des tâches entre les entreprises et les fiduciaires. «Certains réseaux de fiduciaires, surtout dans le second œuvre, ont un rôle un peu nébuleux et peuvent contribuer au contournement des CCT et des obligations légales, dénonce José Sebastiao. A la fin, les travailleurs sont les grands perdants et l’ardoise retombe sur la collectivité publique! C’est pourquoi nous continuons à réclamer que les politiques prennent des décisions courageuses pour mettre un terme à ces pratiques.» 

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