Remerciés par des baisses de revenus...
Quelle sera l’issue du bras de fer opposant les fonctionnaires vaudois au Canton? Les autorités peuvent-elles ignorer les torrents de colère qui ont déferlé dans les rues lausannoises? Comptent-elles sur l’essoufflement de ce mouvement interprofessionnel solidaire? A l’heure où nous mettions ce journal sous presse ce lundi, et en l’absence de l’ouverture de pourparlers, de nouvelles grèves et mobilisations étaient prévues demain 9 février. Cette contestation est motivée, rappelons-le, par la pingrerie du Conseil d’Etat qui a fixé l’indexation des salaires à 1,4% pour cette année alors que le renchérissement du coût de la vie s’élève au moins au double; par son refus de négocier sur la question donnant un signal déplorable pour le partenariat social; et par son entêtement à rester sourd aux revendications légitimes et répétées de plusieurs milliers d’employés des secteurs public et parapublic. Des manifestants qui ont déjà à plusieurs reprises battu le pavé de la capitale vaudoise pour réclamer la pleine compensation de l’inflation et l’ouverture de discussions. La grogne de la fonction publique a débuté en octobre et n’a cessé de monter en puissance à l’appel des syndicats des secteurs et aujourd’hui avec le soutien de l’Union syndicale vaudoise dont Unia fait partie. Elle s’est concrétisée par des grèves partielles ou totales, des débrayages, des actions, des assemblées et l’adoption de résolutions. Aux nombreux enseignants formant dans un premier temps le gros des troupes – une quarantaine d’établissements de l’école obligatoire sur 93 ont été touchés le 31 janvier dernier – se sont joints des salariés des domaines de la santé, du social, des gendarmes et policiers... Et ce en dépit de la difficulté rencontrée par nombre d’entre eux de s’organiser, entre conscience professionnelle, sous-effectifs et pressions de la hiérarchie. Mais partageant une détermination commune à la hauteur de l’enjeu: le maintien du pouvoir d’achat face à des prix en forte progression et des primes maladie qui ont explosé. Ainsi qu’un juste besoin de reconnaissance après les années éprouvantes de Covid.
Rien ne justifie l’inflexibilité du Gouvernement affichée à ce jour. Les finances de l’Etat sont pour le moins saines. Son refus de mettre plus largement la main au porte-monnaie le situe parmi les entités publiques les plus radines. Certes, une prime unique «pour la vie chère» équivalente à 0,8% a aussi été accordée aux classes salariales inférieures, soit les revenus les plus bas, à l’exception du personnel du parapublic. Quant au budget, il a été voté fin décembre à la majorité absolue, sans amendement. Des arguments volontiers martelés par la droite majoritaire face à ces tapages de rue et propres à conforter l’exécutif dans le maintien d’une ligne dure. Mais qui ne suffisent à faire le poids dans la balance du fort renchérissement. Le Conseil d’Etat s’est pourtant jusqu’à présent limité à promettre un réexamen de la situation à l’aune d’indicateurs usuels... cet automne. Peu de chances qu’il fasse marche arrière. Il préfère aujourd’hui inviter les syndicats à échanger sur d’autres dossiers d’importance. Une proposition qui, dans l’agenda actuel, raisonne plutôt comme une tentative de diversion...
Reste que l’Etat a le devoir de se montrer exemplaire. D’autant plus au regard de la situation prévalant dans les domaines des soins marqués par une grave pénurie de main-d’œuvre et des conditions de travail qui, déjà terriblement mises à mal par la pandémie, ont continué à se détériorer. La crise sanitaire n’a pas non plus épargné les enseignants appelés à des réorganisations répétées, au rattrapage d’élèves en décrochement, à une confusion générale... Aujourd’hui, il s’agit de faire montre d’un minimum de respect et de justice sociale. Et non de remercier l’engagement des personnes concernées par une baisse méprisante des revenus réels...