Salaires 2020: des améliorations, mais les femmes restent à la traîne
De manière générale, les salaires 2020 ont légèrement augmenté, mais il reste encore beaucoup à faire au niveau des revenus des travailleuses. Entretien avec Beat Baumann, économiste à Unia
Si toutes les négociations salariales entamées l’an dernier ne sont pas terminées – notamment dans le secteur industriel – d’importants accords ont d’ores et déjà pu être conclus. Economiste en chef à Unia, Beat Baumann, commente ces résultats et précise les domaines où des efforts particulièrement soutenus devront se poursuivre.
De manière générale, Unia est-il satisfait du résultat des négociations salariales?
A ce stade, tous les pourparlers ne sont pas terminés. Mais l’on constate d’ores et déjà une tendance légèrement positive. Et des résultats meilleurs que ceux espérés. Les hausses générales des salaires ont gagné en importance. Comme une faible inflation est prévue en 2020, les salaires réels, en moyenne, augmenteront cette année. C’était le principal objectif poursuivi par Unia. Nous demandions aussi une plus forte majoration des revenus des travailleuses afin de combler les discriminations dont elles sont victimes. L’extraordinaire mobilisation lors de la grève féminine du 14 juin doit se refléter dans les résultats salariaux.
Les salaires réels ont-ils vraiment augmenté, compte tenu du renchérissement du coût de la vie?
C’est un fait: la compensation de l'inflation, calculée selon l'Indice national des prix à la consommation (IPC), ne suffit plus à maintenir le pouvoir d'achat. Au cours des dix dernières années, les primes d'assurance maladie ont été majorées de 130 francs par mois en moyenne. Toutefois, cette hausse n’est que partiellement incluse dans l’IPC. Raison pour laquelle nous avons donc demandé des compensations au renchérissement du coût de la vie et à l'augmentation des primes d'assurance maladie.
Quels sont les secteurs qui se sont montrés le plus généreux? Comment l’explique-t-on?
Des augmentations de salaire supérieures à la moyenne ont été obtenues dans les secteurs où une forte mobilisation a eu lieu, comme dans la construction ou l'installation électrique.
Et les plus pingres...
Dans l'industrie horlogère, on n’a prévu que 16 francs pour compenser l'inflation. Les employeurs ne veulent pas donner plus. De nombreuses femmes travaillent dans le secteur. Les discriminations salariales et les bas salaires restent fréquents. Dans une industrie qui fabrique des produits de luxe pouvant coûter plusieurs milliers de francs, c’est particulièrement injuste.
Certaines branches ont aussi privilégié les augmentations individuelles au détriment de hausses générales...
Les secteurs de l’industrie, de la vente, dont Migros et Coop, ont effectivement augmenté leur masse salariale, mais la plupart ont décidé de répartir cette hausse de manière individuelle. Une forte proportion des augmentations de salaire individuelles pose problème en matière de transparence. Il est difficile de savoir qui en bénéficie, les contrôles se révèlent impossibles. Avec le risque que les augmentations ne concernent que des personnes qui décrochent des promotions. Nous espérons néanmoins que les femmes en bénéficient.
Dans quels domaines des efforts particuliers doivent-ils être faits?
Depuis que les syndicats ont, en 2011, lancé l'initiative populaire pour un salaire minimum de 4000 francs, de nombreux bas salaires ont été augmentés. Mais il y a toujours des employés, par exemple dans le secteur du nettoyage, les services de messagerie ou le commerce de détail, qui gagnent moins. Et alors que les primes d'assurance maladie ont continué à prendre l’ascenseur. Beaucoup d’employés qualifiés possédant un CFC et au bénéfice d’une longue expérience professionnelle touchent des salaires peu élevés, notamment dans la vente. Sans oublier un très grand nombre de femmes qui, employées à temps partiel, souhaiteraient élargir leur taux d’activité mais n’en ont pas la possibilité et peinent à joindre les deux bouts. La situation du personnel de plateformes, comme celle d’Uber, se révèle aussi problématique. Ces entreprises refusent de considérer leurs collaborateurs comme des employés, les privant de salaires décents, de protection et de prestations sociales.
Quel est le principal défi de cette année?
2020 est une année très importante pour les femmes. Dès le mois de juillet, toutes les sociétés de plus de 100 collaborateurs devront effectuer une analyse de l'égalité des salaires dans un délai d'un an. Les employés devront être informés de l'existence ou non de discrimination dans leur entreprise et, au besoin, des mesures devront être prises. Dans ce contexte, les partenaires sociaux et les commissions de personnel jouent des rôles importants. Mais aussi les travailleuses, appelées à s’assurer que leur direction remplisse son devoir d'analyse.