Salaires plus élevés et plus d’égalité: les offensives syndicales pour 2023
L’Union syndicale suisse a présenté la semaine dernière ses objectifs pour la nouvelle année qui débute sous les auspices de l’inflation et du creusement des inégalités
«Avec l’explosion des primes maladie et le renchérissement persistant, la crise du pouvoir d’achat frappe de plein fouet nombre de travailleuses et de travailleurs. Il leur reste toujours moins d’argent pour vivre.» De plus, les écarts de salaires continuent de se creuser. Forte de ces constats, l’Union syndicale suisse (USS) a annoncé, le 9 janvier dernier, la teneur des offensives syndicales pour l’année 2023.
En priorité, la faîtière entend se battre pour de nouvelles hausses des rémunérations, afin de compenser la baisse des salaires réels face à la forte inflation et de revaloriser les métiers à forte composante féminine. Pour l’USS, «un salaire doit permettre de vivre». Raison pour laquelle il ne doit pas exister de salaire en dessous de 5000 francs pour un titulaire de CFC et de 4500 francs pour tous. Elle se pose également l’objectif de réintroduire la compensation automatique du renchérissement dans les conventions collectives et les règlements salariaux.
Autre exigence: la hausse des subsides aux primes maladie qui explosent, de 6,6% en moyenne. Pour la première fois cette année, un couple avec deux enfants devra payer plus de 1000 francs par mois pour ses primes, note la faîtière syndicale.
L’USS va encore lancer l’offensive pour des réductions de l’horaire du travail afin de préserver la santé des salariés et contrer la volonté des milieux patronaux de déréglementer le temps de travail et de repos, et de faciliter le travail du dimanche. Enfin, la faîtière appelle à la grève féministe du 14 juin.
«Jeu dangereux»
Durant la conférence de presse, Pierre-Yves Maillard, président de l’USS, a indiqué que les hausses salariales obtenues pour cette année dans certaines branches, sont largement supérieures à celles des années passées. De l’ordre de 2,5% pour les branches conventionnées. Cependant, elles ne compensent ni le taux d’inflation, de 2,8% pour 2022, ni le besoin de rattrapage des salaires réels, qu’il estime à 1% en plus de l’inflation. Le président rappelle que ces hausses sont le produit de luttes ou de négociations, démontrant l’importance de l’activité des syndicats. A ce sujet, l’USS vient de publier un dossier présentant leur impact sur les salaires, les conditions de travail et la productivité*.
L’USS appuie aussi ses offensives sur un deuxième dossier consacré à la répartition des salaires, des revenus et de la fortune, et à la charge de la fiscalité dans notre pays**. Ce rapport montre que le fossé des inégalités entre riches et pauvres a recommencé à se creuser. Ainsi, depuis 2016, les 10% des salariés les plus pauvres voient leur revenu réel diminuer, alors qu’il s’accroît pour les plus aisés. Sur le plan de la fortune également, les inégalités «augmentent à un niveau obscène», a souligné Pierre-Yves Maillard, ajoutant que les 10% des plus riches de Suisse possèdent désormais trois fois plus que 90% de la population. Le président de l’USS appelle à mettre fin à l’organisation de «la lutte de tous contre tous» qui régit les pays démocratiques: «Ce mode de production génère, décennie après décennie, toujours davantage de perdantes et de perdants. Poursuivre ce jeu néolibéral truqué était injuste au temps de son apparente hégémonie. Face aux périls totalitaires et fanatiques, c’est devenu dangereux.»
Baisse de la durée du travail
La diminution du temps de travail sera un des points centraux des luttes à venir et des négociations conventionnelles. Ainsi, depuis trente ans, la durée du travail salarié stagne, alors qu’auparavant elle diminuait d’une à deux heures hebdomadaires par décennie. Conséquence: les personnes souhaitant travailler moins le font avec une perte de salaire à la clé. Cette problématique sera au cœur de la grève féministe du 14 juin 2023. Comme l’a appuyé Vania Alleva, vice-présidente de l’USS et présidente d’Unia: «Pour que l’égalité progresse enfin, il faut non seulement des horaires de travail compatibles avec la vie familiale et planifiables à l’avance, mais aussi une revalorisation des métiers à majorité féminine, qui sont toujours moins bien payés. Donc de meilleurs salaires, plus de temps et du respect.» Une revendication réaliste, pour autant que «les employeurs redistribuent plus équitablement les gains de productivité aux salariées et aux salariés».