Plusieurs licenciements collectifs ont eu lieu dans le secteur de l’horlogerie ces derniers mois. Pour contrer cette situation, Unia demande une prolongation de la réduction de l’horaire de travail qui touche déjà un tiers des effectifs. Et promet de se battre pour éviter au maximum les pertes d’emplois
Après IMI Swiss et Corum, une troisième société horlogère neuchâteloise doit procéder à un licenciement collectif depuis le début de l’année. Installée aux Brenets et spécialisée dans l’assemblage de mouvements et le reconditionnement de calibres usagés, l’entreprise Gilbert Petit-Jean a annoncé devoir se séparer de 30 de ses 157 collaborateurs. «La charge de travail n’est pas garantie pour cet automne», s’est justifiée la direction à RTN. Unia a remis le 19 juin un rapport de consultation et devait rencontrer lundi, à l’heure du bouclage de ce numéro, la direction. Le syndicat propose de limiter le nombre de licenciements en prolongeant la réduction de l’horaire de travail (RHT), qui touche déjà un tiers de l’effectif, en encourageant les reclassements, les départs volontaires et ceux en préretraites, ainsi que les congés sans solde. En 2015, lors d’une précédente réduction d’effectifs, les 72 licenciements prévus avaient été ramenés à 57. Et le plan social mis en œuvre s’était révélé «béton», selon le mot de Sylvain Schwab, secrétaire syndical d’Unia Neuchâtel. «Gilbert Petit-Jean, le fondateur décédé l’année dernière, était un ancien syndicaliste français, il n’avait pas oublié d’où il venait. Son fils nous a assuré que le plan social de 2015 serait reconduit», indique Sylvain Schwab.
D’autres réductions d’effectifs dans la branche sont-elles à craindre? Selon les chiffres fournis par la Fédération horlogère, les exportations se sont contractées de 35,8% sur les cinq premiers mois de l’année, les principaux débouchés ont tous perdu plus de la moitié du niveau qu’ils affichaient une année auparavant. Et la reprise n’est pas encore acquise à l’heure où les clients se font plutôt rares dans les boutiques de montres. Lors de la crise de 2008-2009, les exportations avaient diminué de 22,3% et le nombre d’emplois de 4000 à 4500, pour moitié par licenciements et pour l’autre par non-remplacement et des départs. A l’époque, l’horlogerie suisse employait environ 50000 personnes, contre 60000 fin 2019.
«La RHT a servi de bouée»
«Les entreprises naviguent à vue, mais avant l’arrivée du virus, les stocks étaient bien pleins et elles se trouvaient déjà sur le qui-vive. La RHT a servi de bouée de sauvetage. On se fait maintenant un peu de souci pour la rentrée et l’automne, où apparaîtront les perspectives pour 2021. Si l’horizon ne se dégage pas, nous aurons des plans de licenciements importants», estime Sylvain Schwab. Si les grands groupes et les manufactures, tels que, sur le canton de Neuchâtel, LVMH, Patek Philippe, Richemont, Rolex ou Swatch, peuvent rencontrer des difficultés, ce sont les sous-traitants qui, pour le secrétaire syndical, «risquent la culbute». «Les sous-traitants sont en fin de cycle et sont les plus vulnérables», appuie Patrick Cerf. Le secrétaire syndical d’Unia Transjurane ne veut pas pour autant peindre le diable sur la muraille: «Ce sera une période difficile, mais j’essaie de rester confiant.» Il invite les grandes entreprises à être solidaires des sous-traitants dont elles bénéficient du savoir-faire.
«Cela risque d’être plus douloureux»
De son côté, le responsable national de l’horlogerie pour Unia, Raphaël Thiémard, ne veut pas faire de pronostic, mais il reconnaît que «les plans sociaux seront sans doute le gros dossier de la rentrée». La branche ne manque hélas pas d’expérience en la matière. «Tous nos secrétaires syndicaux en ont fait un jour ou l’autre. Mais cette fois, cela risque d’être de plus grande ampleur et plus douloureux parce que les possibilités de retrouver une place seront rares dans les prochains mois. Nous nous battrons pour éviter les pertes d’emplois au maximum en mettant les entreprises devant leurs responsabilités, car certaines auront la possibilité de garder des salariés. Lorsque ce n’est pas possible, il faudra obtenir de bonnes conditions pour les travailleurs.» La coupe des effectifs a d’ailleurs commencé si l’on tient compte des travailleurs temporaires. «Il n’y en a pratiquement plus, depuis le début de l’année déjà. Les intérimaires sont de plus en plus utilisés comme une variable d’ajustement de l’emploi. Ce qui intéresse les entreprises, c’est de pouvoir débarquer des gens sans avoir à négocier des plans sociaux. On lutte en continu contre cette banalisation du travail précaire.»
«La crise sanitaire rend plus difficile la rencontre avec les salariés, conclut Raphaël Thiémard, certains ne retravaillent que quelques heures par semaine, d’autres ont des horaires décalés, mais il est important qu’ils sachent que, depuis le début de cette crise, nous avons d’abord été très actifs pour faire respecter les prescriptions sanitaires, que nous nous battons maintenant sur les heures supplémentaires et les vacances, et que nous nous préparons à être à leurs côtés quand viendront les pertes d’emplois.»