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Sous-traitance infernale à l’aéroport

Installations pour le tri des bagages à l'aéroport de Genève.
© Olivier Vogelsang/archives

Les installations pour le tri des bagages sont remises à jour au sein de l’aéroport de Genève. Un contrôle de ce gros chantier a révélé une sous-traitance en cascade, avec en bout de course des travailleurs, venus d’Italie et de Roumanie, exploités et sous-payés.

A la suite du contrôle d’un chantier, une entreprise a été exclue du site, laissant sur le carreau une cinquantaine de travailleurs étrangers. Unia Genève exige leur retour et le paiement de leurs salaires

L’affaire a été révélée fin août par Unia. Le 15 juillet, le Bureau de contrôle paritaire des chantiers effectue une visite sur celui du Tri Bagages de l’aéroport de Genève. «De graves manquements sont constatés de la part de l’entreprise Mitel International SA, notamment le non-respect du salaire minimum et des usages», rapporte le syndicat dans un communiqué de presse. Cette société se voit ni plus ni moins exclue du site. La cinquantaine de travailleurs, originaires d’Italie et de Roumanie, n’ont eu d’autre choix que de repartir chez eux, sans aucune certitude sur leur emploi et, surtout, sans leur salaire…

Quels manquements ont été constatés? Unia rapporte que certains travaillaient sept jours sur sept, 10 à 12 heures par jour, avec des rémunérations à hauteur de 3700 francs par mois pour 40 heures hebdomadaires. «Ni le salaire minimum cantonal, et encore moins les Usages de la Mécatronique, ni la grille salariale, auxquels l’entreprise s’était engagée par contrat, n’ont été respectés», déplore Unia. Les heures supplémentaires n’étaient pas, ou partiellement, payées et les travailleurs étaient contraints de loger à deux dans une chambre d’hôtel, sans aucune indemnité de repas. «D’après nos dernières informations, il semblerait que les montants indiqués sur les fiches de salaire soient différents des montants réellement versés, avec des écarts de plusieurs centaines de francs, soulève Alejo Patiño, secrétaire syndical en charge du dossier. Qui se graisse la patte au passage?»

A qui la faute?

Pour Unia, le cœur du problème dans ce dossier, c’est la sous-traitance en cascade. En effet, c’est l’entreprise Leonardo SA qui avait été mandatée par l’aéroport pour réaliser les travaux de démontage des installations, de montage et de manutention. Mais Leonardo SA a sous-traité à une autre entreprise italienne, Fincantieri SA, qui a elle-même sous-traité à Mitel International SA.

Unia s’est tout de suite mobilisé pour défendre les intérêts des salariés lésés et organiser des négociations avec l’aéroport et les deux entreprises italiennes. Les revendications étaient claires: obtenir la reprise de l’ensemble des employés sur le chantier et assurer le paiement des salaires. C’est là que le bât blesse. «Leonardo SA ne respecte pas ses engagements, regrette le syndicaliste. Malgré ses promesses, l’entreprise joue, de manière irresponsable, avec les nerfs des salariés et de leurs familles. Après un mois de réclamations d’Unia, et même de l’aéroport, les documents envoyés restent incomplets, inutilisables, voire mensongers.» A ce jour, même les documents pour valider l’entreprise sous-traitante reprenant le contrat de Mitel restent incomplets et l’aéroport ne peut leur donner l’autorisation de travailler. La proposition de nouveaux contrats est arrivée le 1er septembre, mais ils comportent encore des erreurs. Pendant ce temps, c’est toujours l’incertitude la plus totale pour les travailleurs. «Cette sous-traitance infernale au troisième degré dilue la chaîne des responsabilités: tout le monde se renvoie la balle, s’indigne Alejo Patiño. Cela complique les choses pour tout le monde.»

Revendications

Pour Unia, l’urgence aujourd’hui reste le retour des salariés et leur rémunération complète. «Nous avons pu obtenir de l’aéroport qu’il verse les salaires du mois de juillet sur la base du salaire minimum cantonal. Maintenant, c’est à Leonardo SA d’assumer les salaires du mois d’août, mais nous sommes face à un mur.»

Le syndicat s’en remet désormais à la direction de l’aéroport et aux autorités cantonales, qu’il accuse d’immobilisme. «Des sanctions doivent être prises contre Leonardo SA, comme la loi le permet.»

De même, le secrétaire syndical se demande comment une telle situation a pu arriver: «Le Règlement sur la passation des marchés publics (RMP) prévoit que “la sous-traitance au deuxième degré est interdite”. Une exception est possible, mais doit être justifiée par “des raisons techniques ou organisationnelles”. Qui détermine dans ce cas-là que la sous-traitance au troisième degré est justifiée? Qui contrôle? Politiquement, c’est épineux et nous avons besoin de réponses.» Et Alejo Patiño de poursuivre: «Le Conseil d’Etat doit s’engager pour que les salaires soient assurés, au pire, par l’aéroport. Il s’en remettra ensuite à Leonardo SA pour récupérer ses billes. Ce n’est pas aux travailleurs de payer les pots cassés!»

En parallèle, une motion a été déposée au Grand Conseil le 1er septembre priant le Conseil d’Etat de prendre toutes les mesures possibles pour résoudre cette affaire. L’urgence a été acceptée, mais à l’heure où nous mettions sous presse, le texte n’avait pas encore pu être discuté.

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