Procédure civile
L’après-midi a été consacrée à la procédure civile, afin de déterminer le montant financier du dédommagement, selon les articles 41 et 97 du CO. Généralement, une procédure de conciliation a lieu, puis un échange d’écritures (demande, réponse, réplique, duplique), avant une audience principale. Le juge civil n’est pas obligé de suivre les conclusions du juge pénal. Les débats reprennent donc autour des responsabilités des uns et des autres. L’avocate d’Eric Tempo, Me Pellet, rappelle que «les employés temporaires ont particulièrement besoin de protection», car «plus un travailleur est nouveau sur un chantier plus il est vulnérable», n’osant pas toujours demander de l’aide, dire stop... Elle souligne aussi l’atteinte à l’avenir économique de son client. La présidente du tribunal, Mélanie Chollet Humberset, considère que les fautes de la victime (ne pas attacher son harnais, ni informer de son manque de formation) réduisent le dédommagement de 20%. Elle condamne l’agence Interim SA et Patron SA à payer 1387444 francs pour perte de gain actuelle et future, dommage ménager (actuel et futur), atteinte à l’avenir économique, frais divers et tort moral.
Temporaires: 50% de plus d’accidents
En préambule à cet événement, intitulé Tribunal Event, Nadia Gendre, responsable communication Suisse romande Suva, a rappelé que sa société assure 129000 entreprises, 2 millions de travailleurs, et 465000 accidents et maladies professionnelles par année. «En 2021, 1640 accidents graves ont eu lieu. Quatre par jour! Par grave, nous entendons plus de 90 jours d’indemnités, ou une invalidité, ou un décès», précise Maud Jaeggi, experte en sécurité et protection de la santé Suva.
Les travailleurs temporaires sont de plus en plus nombreux, 347000 en 2020, et aussi ceux qui encourent le plus de risques. «Le taux d’accidents des travailleurs temporaires s’élève à 50% de plus qu’un salarié fixe, souligne Maud Jaeggi, parce qu’ils sont nouveaux dans l’entreprise, qu’ils manquent d’instructions, qu’ils n’osent pas dire stop en cas de danger, avant de sécuriser et de reprendre le travail. Souvent les employeurs attendent d’un temporaire qu’il soit efficace tout de suite. Aux dépens de sa formation… D’où les objectifs 2030 de la Suva: diminuer la fréquence des accidents des temporaires.» L’accent de l’assureur est donc mis, lors de contrôles, sur la formation des intérimaires, sur des sensibilisations en collaboration avec Swissstaffing (centre de compétence des prestataires des services de l’emploi suisses) et de la prévention en termes de sécurité au travail. Le procès du jour fait donc intégralement partie de cette sensibilisation. Dans les faits, ce genre de procès est exceptionnel car, comme le précise en aparté Jean-Luc Alt, porte-parole de la Suva, «le procès se déroule dans la grande majorité des cas directement entre la victime et la société qui a loué les services du temporaire. L’entreprise de prêt de personnel n’est que très rarement en cause.»
Quelques articles de loi cités durant le procès
Code pénal
Lésions corporelles par négligence
Art. 125
1 Celui qui, par négligence, aura fait subir à une personne une atteinte à l’intégrité corporelle ou à la santé sera, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire162.
2 Si la lésion est grave, le délinquant sera poursuivi d’office.
Code des obligations
Art. 328
1 L’employeur protège et respecte, dans les rapports de travail, la personnalité du travailleur; il manifeste les égards voulus pour sa santé et veille au maintien de la moralité. En particulier, il veille à ce que les travailleurs ne soient pas harcelés sexuellement et qu’ils ne soient pas, le cas échéant, désavantagés en raison de tels actes.
2 Il prend, pour protéger la vie, la santé et l’intégrité personnelle du travailleur, les mesures commandées par l’expérience, applicables en l’état de la technique, et adaptées aux conditions de l’exploitation ou du ménage, dans la mesure où les rapports de travail et la nature du travail permettent équitablement de l’exiger de lui.
L’ordonnance sur la prévention des accidents et des maladies professionnelles (OPA)
Art. 7 Tâches confiées aux travailleurs
1 Lorsque l’employeur confie à un travailleur certaines tâches relatives à la sécurité au travail, il doit le former de manière appropriée, parfaire sa formation et lui donner des compétences précises et des instructions claires. Le temps nécessaire à la formation et au perfectionnement est en principe considéré comme temps de travail.
2 Le fait de confier de telles tâches à un travailleur ne libère pas l’employeur de ses obligations d’assurer la sécurité au travail.
Art. 10 Location de services
L’employeur qui occupe dans son entreprise de la main-d’œuvre dont il loue les services à un autre employeur, a envers elle les mêmes obligations en matière de sécurité au travail qu’à l’égard de ses propres travailleurs.