Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies à Genève a adopté fin septembre la Déclaration sur les droits des paysans. Une victoire d’étape
Le 28 septembre 2018, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a adopté, à Genève, la Déclaration sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant en milieu rural, dont les pêcheurs, les nomades, les éleveurs, les autochtones... Une victoire pour eux et les ONG qui les ont soutenus, dont Action de Carême, le Cetim, l’Eper, Pain pour le prochain, Uniterre, Swissaid, FIAN Suisse. Dans leur communiqué commun, Elizabeth Mpofu, coordinatrice générale de La Via Campesina, mouvement international représentant 250 millions de paysans dans 73 pays, commente: «Pour nous, l’adoption de la déclaration témoigne du respect qui est accordé à notre travail. Nous nourrissons le monde et subissons en même temps de graves discriminations.» En substance, la Déclaration sur les droits des paysans leur reconnaît enfin le droit à la terre et aux semences, aux ressources naturelles, à un revenu décent, à la sécurité sociale et à la souveraineté alimentaire. «Ces droits sont d’une importance primordiale pour les familles paysannes. Les semences paysannes ne cessent de disparaître au profit des semences brevetées, modifiées (OGM entre autres) qui appauvrissent la biodiversité et sont plus chères. Le lobby puissant des semenciers fait pression sur les gouvernements», soulignent encore les ONG. Un thème qui aura suscité de nombreuses discussions. Et ce n’est certainement pas fini.
Les paysans reconnus
Michelle Zufferey, secrétaire d’Uniterre, souligne: «Cette adoption a généré des élans de joie partout chez les membres de La Via Campesina. Un processus est en marche pour contrer la puissance des lobbies de l’agrochimie. Même si cette Déclaration sur les droits des paysans n’est pas contraignante, elle permet aux paysans de s’y référer.» Les ONG rappellent que, dans nombre de pays, des paysans luttant pour leurs droits sont menacés ou assassinés.
«Alors que, jusqu’ici, la plupart des Etats ont abandonné les populations rurales à leur sort, quand elles ne sont pas chassées de leurs terres au profit de projets dits de développement (mines, barrages, tourisme, méga-infrastructures, etc.) ou de monocultures (palme africaine, soja, etc.). Cette déclaration reconnaît que les paysans proposent des alternatives importantes pour protéger l’environnement, maintenir la biodiversité et lutter contre les changements climatiques. Face au monopole de l’agrobusiness qui écrase la paysannerie, cette déclaration est essentielle», renchérit Melik Özden, directeur du Cetim.
A Genève, sur les 47 pays que compte le Conseil des droits de l’homme, 33 l’ont acceptée, 3 l’ont refusée et 11 se sont abstenus. La prochaine étape se déroulera à New York lors de l’Assemblée générale. Melik Özden relève: «Le vote final en décembre va entériner ce qui a été décidé au Conseil des droits de l’homme. On s’attend à ce qu’une large majorité des Etats votent en faveur.»
Ensuite chaque gouvernement sera responsable de la mise en place des politiques de soutien à l’agriculture familiale et de lutte contre la faim et la pauvreté. «Bien sûr, tout dépend de la volonté politique des Etats, mais aussi des paysans, des consommateurs, des collectivités publiques, ajoute Melik Özden. Un travail de sensibilisation doit être mené avec les organisations paysannes et cette déclaration constitue une feuille de route pour mettre en œuvre concrètement ses articles. Dans certains pays, cela nécessite une réforme agraire, dans d’autres, des changements de législation ou la mise en place de programmes en faveur des paysans.»