Militante à Extinction Rebellion et membre des Grands-parents pour le climat, Catherine Froidevaux croit en la désobéissance civile
A 72 ans, elle a passé sa première nuit en prison le 4 octobre dernier. La veille, avec son compagnon et un couple d’amis, Catherine Froidevaux a rejoint d’autres militants d’Extinction Rebellion à Zurich où se préparaient des blocages. Comme beaucoup d’entre eux, la Nyonnaise était prête à se faire arrêter. «Le plus important n'est pas forcément l'action elle-même ou la façon dont elle est perçue. C’est la contestation de la condamnation, puis le procès. La justice, jusqu’à présent, arrive à cette aberration de punir des pacifistes qui manifestent pour la survie de la biodiversité et de l'espèce humaine. Nous espérons ainsi pousser le gouvernement à agir enfin! Le Covid a démontré que nos autorités étaient capables de véritables mesures d'urgence. Alors pourquoi pas pour le climat?» questionne celle qui n’en est pas à sa première action de désobéissance civile. A Zurich déjà, une année auparavant; à Berne sur la place Fédérale, en invitant les parlementaires à s’asseoir à une table improvisée, biscuits et cafés offerts; à Lausanne, déguisée en renne du Père Noël; ou encore à Genève, devant Ethos.
Membre fondatrice des Grands-parents pour le climat, elle n’a pourtant ni enfants, ni petits-enfants. Un choix qui lui paraissait déjà évident à l'époque, en raison de sa vision peu optimiste de l’avenir. «C’était mal vu bien sûr. On m’a souvent traitée d’égoïste. Mais je ne comprends pas en quoi c’est généreux de devenir parents dans un monde qui va à la catastrophe», rétorque-t-elle. Son sentiment de culpabilité est profond vis-à-vis des nouvelles générations. «Parfois, j’ai de la peine à regarder les jeunes dans les yeux, car j’appartiens à cette génération d'après-guerre qui a tellement contribué à la destruction de l'environnement.»
Jusque dans les années 1990, férue de plongée, Catherine Froidevaux se rend dans les mers du Sud, aux Maldives, dans les Caraïbes, en mer Rouge... «C’était magique, mais d’année en année, je découvrais des fonds marins de plus en plus abîmés.» C’est dans les profondeurs qu’elle réalise vraiment la perte de biodiversité en cours, le blanchiment des coraux signe de l’acidification des océans, la pollution. «A l’époque, dans le lac Léman, les poissons se faisaient rares.»
Sous le sourire, le pessimisme
Son sens de la répartie, sa bonne humeur et sa chaleur humaine cachent une nature plutôt pessimiste. L’effondrement est, selon Catherine Froidevaux, inéluctable. «Même en Suisse, pays très protégé s'il en est, on commence à parler de pénurie d’électricité. Et dans certaines communes, l’eau n’est déjà plus bonne à boire.» Avec son compagnon, ils ont commencé à s'équiper en vue d'un avenir incertain: réserve d'aliments et de produits de première nécessité, filtre à eau, réchaud à gaz… «Je ne me sens pas survivaliste, mais j’ai un fort besoin d’autonomie face au système, souligne celle qui fait l’apologie du bricolage. C’est important de savoir réparer, coudre, travailler manuellement. Une licence en littérature pourrait n’être d’aucun secours dans l’avenir qui se prépare.» Depuis huit ans, elle partage sa vie avec Jean-François Sauter, 80 ans, biochimiste de métier et grand bricoleur. Dans le cadre de Demain La Côte, une association écologique de la région, ils ont lancé des Repair Cafés.
«Au début, mon compagnon me suivait dans les actions de XR surtout pour me protéger, rit-elle. Aujourd’hui, il est encore plus motivé que moi! Il veut pouvoir dire à ses petits-enfants qu’il n'est pas resté inactif face à la dégradation de l'environnement.»
Pacifistes et aimables
Celle qui préfère rester discrète sur son parcours de vie et sa carrière professionnelle, revient sur son arrestation à Zurich avec quelque 200 autres militants. «La police sait que nous sommes pacifistes et que nous tenons à rester aimables. A mon égard, les agents ont été courtois. Mais ils ont menotté tous les autres. Je sais que beaucoup d'entre nous ont subi une fouille à nu. La police voulait visiblement nous intimider, nous humilier. Il faut essayer de prendre du recul et de ne pas dramatiser. Mieux vaut en rire!» lance Catherine Froidevaux, légère.
Au cours de la nuit passée en cellule, une autre manifestante a été enfermée avec elle. «On n’avait pas la moindre intimité, avec des toilettes sans porte ni paravent, mais c’était mieux que d’être seule. Bien que la situation n'ait rien eu de dramatique, cela m'a quand même secouée.» Après avoir reçu une interdiction de territoire et une menace de 8 jours de prison ferme par le procureur si elle revenait à Zurich pour une nouvelle action de blocage, elle rentre le soir même à Nyon avec son compagnon qui a, lui aussi, passé la nuit en garde à vue. «Nous sommes toujours prêts à nous faire arrêter, mais ailleurs qu'à Zurich», précise-t-elle. «En tant que retraité, c’est facile, on a du temps et rien à perdre. Le fait d'avoir un casier judiciaire ne risque pas de nous nuire, au contraire des jeunes en recherche d'emploi. Seul bémol, la fatigue nous freine un peu, et je traîne la patte, explique Catherine Froidevaux, admirative de cette jeunesse qui prend beaucoup de risques. Certains donnent tout leur temps à la cause estimant qu’étudier ne sert à rien si la planète part en fumée!»
Quant aux résultats des actions de désobéissance civile, elle croit en la ténacité. «Dans les années 1960-1970, les objecteurs de conscience ont fait de la prison ferme et payé des milliers de francs d’amende. Cette lutte a valu la peine non? Et n'oublions pas que ce sont aussi des actions de désobéissance civile qui ont empêché la construction de la centrale nucléaire de Kaiseraugst dans les années 1980.»