Après 28 ans passés chez Gate Gourmet, Philippe* s’est fait licencier pour avoir récupéré de la nourriture destinée à la poubelle. Pour Unia, ce n’est qu’un exemple de la précarisation des travailleurs à l’aéroport de Genève
Les faits remontent à 2018. Philippe, 58 ans, en charge du nettoyage des plateaux-repas qui reviennent des avions chez Gate Gourmet à Genève depuis 1990, s’autorise à manger un petit pain laissé intact par un passager. Pris sur le vif par son supérieur, il est licencié sur-le-champ. Certes, le règlement interne stipule que tout ce qui revient des avions doit être détruit. «En réalité, il arrive régulièrement que les employés se servent quand un aliment n’a pas été déballé. Ce n’est pas nouveau, ça se sait et l’employeur le tolère.» Manifestement, pas cette fois-ci...
Sur le coup, Philippe renonce à se battre, préférant éviter un conflit avec Gate Gourmet de peur que cela l’empêche de retrouver du travail. Mais récemment, il a poussé la porte du syndicat Unia et décidé de médiatiser son cas lors d’une conférence de presse le 23 avril. «Pour nous, il s’agit d’un prétexte pour se séparer d’un travailleur âgé que l’entreprise de catering estime coûter trop cher», dénonce Yves Mugny, secrétaire syndical, qui précise que Philippe touchait 4571 francs brut par mois. Son homologue Dominique Deillon complète: «C’est d’autant plus grotesque que cette nourriture est destinée à finir à la poubelle, il n’y a donc aucune perte pour l’entreprise!»
Et Philippe d’ajouter: «Depuis une dizaine d’années, le stress est beaucoup plus important et les cadences de travail insupportables. Il arrive qu’on travaille de 6h à 19h. Quand nous étions encore employés par SwissAir, nous servir sur les plateaux ne posait aucun problème.»
Revendications
Dans ce contexte, Unia en appelle au Conseil d’Etat et à Genève Aéroport qui est, rappelons-le, propriété de l’Etat de Genève. «Nous demandons qu’une solution soit trouvée pour Philippe, qui à 58 ans et sans qualification, aura certainement du mal à retrouver un emploi», souligne Yves Mugny. Autrement dit, que Genève Aéroport lui propose un reclassement dans une autre de ses concessions.
Par ailleurs, la CGAS exige qu’un cadre sain et durable soit enfin mis en place à Cointrin afin de gérer la «jungle des conditions de travail». «La situation à l’aéroport ne s’est pas améliorée depuis les années 2010 et les statuts précaires tendent à exploser», insiste le syndicaliste.
De fait, en décembre dernier, la Chambre des relations collectives de travail (CRCT) a convoqué toutes les parties (syndicats, patronat, Etat) afin de trouver une solution aux problématiques sociales rencontrées à l’aéroport de Genève. A la suite de cela, les syndicats genevois se sont positionnés dans un document de cinq pages proposant douze solutions pour y remédier, notamment la réinternalisation des tâches de nettoyage et de sécurité, la limitation du travail intérimaire et auxiliaire, la réglementation de la sous-traitance ou encore la conclusion d’une Convention collective de travail de branche pour l’activité aéroportuaire. Une cellule du Conseil de surveillance du marché de l’emploi plancherait sur le dossier, mais aucune avancée n’a eu lieu depuis décembre. «Les négociations doivent s’ouvrir rapidement!» conclut Yves Mugny.
*Prénom d’emprunt.