«Buvez, éliminez…» Depuis mai dernier, les salariés de Nestlé Waters à Vittel, dans l’est de la France, se battent contre un plan prévoyant la réduction d’un quart des effectifs: 171 emplois sont menacés. Cette réorganisation du site des Vosges, d’où sortent les bouteilles des marques Vittel, Contrex et Hépar, est, selon l’entreprise, «motivée par la décision prise en 2022 d’arrêter la commercialisation de Vittel en Allemagne». De plus, Nestlé Waters, qui fait jaillir chaque année un milliard cinq cents millions de bouteilles de Vittel et de la commune voisine de Contrexéville, serait victime des «conditions climatiques», soit de la sécheresse. Au printemps, deux forages à sec d’Hépar ont dû être fermés, réduisant de 60% la production. On n’en serait sans doute pas là aujourd’hui si la société avait modéré ses appétits de profits et géré durablement la ressource. Depuis des années pourtant, riverains et associations ont pointé la chute drastique du niveau de la nappe phréatique dans les deux stations thermales. Les médias allemands ont donné de l’écho à ces lanceurs d’alerte, provoquant un boycott outre-Rhin.
«Envoyé spécial» fait des vagues. En plus, la campagne environnante est parsemée d’immenses fosses remplies de déchets et de collines entières de cadavres de bouteilles éventrées ou en morceaux, comme l’a montré un reportage édifiant d’«Envoyé spécial» diffusé fin août sur France 2. Même des arbres poussent sur ces grandes buttes. Le risque, c’est que les microparticules libérées par la désagrégation de ces plastiques atteignent les nappes aux côtés d’autres polluants. Mais Nestlé Waters, qui évolue dans le giron du groupe suisse basé à Vevey, n’est pas du tout pressée de délier les cordons de sa bourse pour nettoyer ces cochonneries.
Nestlé Waters n’est pas à sec. Nestlé Waters est aussi près de ses sous pour ce qui concerne le plan social. L’entreprise a pour l’heure refusé la contre-proposition des syndicats qui consiste en des départs volontaires et une préretraite pour 151 travailleurs en fin de carrière. Ce plan permettrait d’éviter les licenciements secs ou de considérablement les réduire et ainsi de limiter la casse sociale. Né dans les Vosges, l’écrivain Nicolas Mathieu a bien décrit le contexte et les conséquences de la désindustrialisation dans cette région, il faut lire Aux animaux la guerre et Leurs enfants après eux, pour lequel il a reçu le Prix Goncourt. De nouvelles rencontres entre la direction et les syndicats sont prévues cette semaine, le délai de consultation s’achevant ce vendredi 13 octobre. Nestlé Waters, dont le chiffre d’affaires est de 4 milliards d’euros, a les moyens de signer un plan social digne de ce nom. Les salariés ont raison de faire grève et de continuer à se battre, nous ne pouvons que leur témoigner notre solidarité.