«On ne peut pas continuer comme cela»
L’Union syndicale suisse a organisé une table ronde virtuelle pour débattre des problèmes soulevés par la crise sanitaire et économique
Depuis la Maison du peuple de Zurich, où elle avait installé un studio, l’Union syndicale suisse (USS) a proposé, durant l’après-midi au travers d’une table ronde, un petit tour d’horizon des problèmes soulevés par cette crise sanitaire et économique.
Secrétaire syndicale du SSP Vaud, responsable du secteur des soins, Vanessa Monney a expliqué comment le personnel des hôpitaux, des EMS et des soins à domicile est «particulièrement sollicité». «Les travailleurs sont extrêmement fatigués, beaucoup ont trimé plus de 50 heures par semaine, ils ont manqué au début de la crise de matériel de protection, certains sont tombés malades et il n’est pas simple pour eux de continuer leur activité, a dit la jeune femme. La question essentiellement est de passer maintenant des applaudissements à des actes concrets de revalorisation, ce qui doit se traduire par une augmentation des effectifs et des salaires qui sont encore très bas, l’octroi de primes pour reconnaître les risques pris par le personnel, ainsi que par des investissements massifs dans le secteur de la santé qui doit répondre aux besoins de la population et non à des intérêts économiques.»
Evoquant les infirmières, les vendeuses et les nettoyeuses, Ada Marra a pointé des «métiers systémiques, sans lesquels la société ne fonctionnerait plus». Se félicitant d’une «mise en lumière», la vice-présidente du Parti socialiste a toutefois averti: «Il s’agit de ne pas se faire voler cette force que l’on a eue durant toute cette crise.»
Premiers de corvée
Les problèmes que nous rencontrons en Suisse ne sont guère différents de ceux de nos voisins. «On est passé des premiers de cordée chers à M. Macron aux premiers de corvée», a lancé Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT, invité à s’exprimer durant ce meeting numérique. «Cette crise est un immense révélateur. Cela fait plus d’un an que le personnel hospitalier français est mobilisé contre la fermeture d’hôpitaux, pour obtenir plus de moyens et pour la reconnaissance de ses qualifications. C’est grâce à sa conscience professionnelle, à son dévouement, que les effets du virus sont limités. Mais on ne pourra pas continuer comme cela, a affirmé le Français. Il faut que l’on sorte de la logique que le travail serait un coût. Tout ce qui a été critiqué depuis des années par les libéraux, on voit bien, au contraire, que c’est une force pour un pays.»
20% de salaire en moins
Président de l’USS, Pierre-Yves Maillard a, de son côté, parlé du sort des travailleurs placés en chômage partiel: «Nous n’avons pas été suivis sur notre demande d’indemniser à 100% le salaire, c’est l’un des grands problèmes de cette crise qui touche particulièrement les bas revenus. Il y a des demandes de chômage technique pour près de 1,9 million de personnes et on sait que la moitié d’entre elles viennent de secteurs à bas revenus. Il y a là une inégalité. On ne peut pas laisser les gens vivre pendant des mois avec 20% en moins alors que leurs salaires étaient déjà insuffisants, cela ne va pas. L’autre injustice pour les bas revenus, c’est que ceux qui ont continué à travailler ont dû aller dehors et s’exposer.» Comme les ouvriers des chantiers.
Au Tessin, l’un des cantons les plus touchés par le virus, les entreprises de la construction ont recommencé leur activité le 27 avril. «C’est une reprise qui arrive trop rapidement, sans phase de transition, cela va être difficile à gérer, c’est une erreur», a jugé Giangiorgio Gargantini. «Nous allons continuer notre travail de lanceur d’alerte», a promis le secrétaire régional d’Unia Tessin.
«On voit à quel point, durant ces dernières semaines, les syndicats ont été actifs et présents pour relayer des problématiques que le monde politique n’entendait pas, a souligné Pierre-Yves Maillard. C’est toujours le rôle des mouvements syndicaux de faire remonter les informations de ceux qui n’ont pas la parole, qui ne sont pas entendus. C’est pour cela qu’au 1er Mai, au-delà de tous les discours et les propositions que l’on apporte, on doit toujours répéter qu’il faut s’organiser. Plus nombreux on est à payer une cotisation, à participer aux actions et aux assemblées, plus on fait remonter la réalité du terrain des gens qui ont le plus de peine, afin que les décisions soient prises un peu plus en faveur de leurs intérêts.» JB / photo OV