Bientôt des multinationales suisses responsables?
La coalition à l’origine de l’initiative rejetée d’un cheveu en 2020 va remettre l’ouvrage sur le métier
C’était il y a tout juste trois ans. Le 29 novembre 2020, l’initiative populaire «Entreprises responsables – pour protéger l’être humain et l’environnement» recueillait 50,7% des suffrages, mais butait, pour quelques milliers de voix, sur la majorité des cantons. La déception était grande au sein de la Coalition pour des multinationales responsables, qui regroupait 80 organisations dont Unia et qui entendait que les sociétés suisses respectent les droits humains et l’environnement dans leurs activités à l’étranger. Mais comme il ne fallait pas désavantager celles-ci face à leurs concurrents, une coordination au niveau européen s’imposait, plaidaient les opposants à l’initiative, la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter en tête.
Or, en février 2022, la Commission européenne a présenté aux Etats membres de l’UE un projet de directive prévoyant un devoir de diligence étendu pour les entreprises de plus de 250 collaborateurs, une responsabilité pour les dommages occasionnés par des filiales et des sous-traitants, ainsi qu’une autorité de surveillance pouvant infliger des amendes. Soit un projet plus contraignant que l’initiative suisse.
Puisqu’il n’y avait plus d’excuse, la Coalition pour des multinationales responsables, qui ne s’était pas dissoute, a alors lancé une pétition demandant aux autorités de légiférer. Le texte a été déposé en août 2022 fort de 217500 signatures. Mais en décembre 2022, le Conseil fédéral a encore décidé d’exempter les multinationales suisses d’un devoir de diligence étendu.
De son côté, le Parlement européen a adopté en juin dernier sa position sur la directive, qui devrait entrer en vigueur dans un avenir proche.
On en était là lorsque la Commission de gestion du Conseil national a publié le 24 novembre un rapport sur la communication des autorités avant les votations, qui épingle Karin Keller-Sutter. Lors de la campagne sur les multinationales responsables, la communication de son département «visait plutôt à inciter les électeurs à rejeter l’initiative qu’à les informer», rapporte la Commission, qui s’est basée sur une évaluation du contrôle parlementaire de l’administration. Ce dernier note que, «lors d’interviews dans les journaux, la cheffe du département a simplifié les arguments de telle manière que leur contenu n’était plus correct».
Le dossier est maintenant dans les mains de la conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider et pourrait, sous la pression, être sorti du frigo. Il y a, d’un côté, la directive européenne et, de l’autre, la Coalition pour des multinationales responsables qui prépare une nouvelle initiative. Son texte sera défini dans les prochains mois. En s’inspirant de la directive européenne, il pourrait aller plus loin que la précédente initiative et proposer une autorité de surveillance indépendante dotée de compétences étendues.