CarPostal remporte la mise au concours des lignes de bus du Jura
Si Syndicom se réjouit, le SEV, de son côté, est inquiet pour l’avenir des employés des Chemins de fer du Jura
CarPostal a raflé la mise. La société du géant jaune a remporté le contrat pour les 39 lignes de bus régionales jurassiennes, elle a mis sur la table, selon le gouvernement cantonal, «le meilleur rapport prix-prestations» des quatre soumissions reçues. Outre CarPostal, Alsa (Espagne), RATP (France) et les Chemins de fer du Jura (CJ) alliés aux Transports publics jurassiens avaient déposé une offre. Le réseau de transports publics jurassiens était déjà exploité en grande partie par CarPostal (et pour quelques lignes par les CJ), mais le ministre David Eray décidait en 2017 de tout remettre à plat, faisant du Jura le premier canton à ouvrir l’ensemble de son réseau à la concurrence. Les chauffeurs jurassiens et leurs deux syndicats, Syndicom pour CarPostal et le SEV pour les CJ, s’étaient depuis lors mobilisés à plusieurs reprises. S’appuyant sur des pétitions, des manifestations et des initiatives parlementaires, ils exigeaient que les entreprises candidates soient signataires de la convention collective et respectent les conditions de travail et d’embauche de la région. Ils craignaient que l’entreprise choisie pratique la sous-enchère et ne s’en tienne qu’au salaire minimum usuel de la branche de 58300 francs par an, soit un montant d’environ 25% inférieur à la rémunération moyenne des chauffeurs dans le Jura. RATP Dev, la filiale internationale de la Régie autonome des transports parisiens, est déjà présente dans notre pays, notamment comme sous-traitante des Transports publics genevois. Ses employés ne bénéficient pas des mêmes conditions que leurs collègues de la régie genevoise, la différence salariale atteint jusqu’à 1500 francs par mois. En outre, la direction de la société française semble peu portée au dialogue social.
Finalement, les commanditaires, les Cantons du Jura, de Berne et l’Office fédéral des transports (OFT) ont choisi le transporteur aux bus jaunes.
Soulagement et inquiétudes
«C’est un grand jour pour les conducteurs et les conductrices de CarPostal du Jura. Ils peuvent avec leurs familles enfin pousser un soupir de soulagement après plus de deux ans et demi d'angoisse face à leur devenir», se réjouit Sheila Winkler, secrétaire centrale de Syndicom.
Du côté du SEV, on ne saute pas de joie. «Les CJ conservent quelques lignes de bus dans le Jura bernois mais pas assez pour offrir suffisamment de travail à l’ensemble des conducteurs qu’ils emploient. Ceux qui perdront leur poste ont la garantie de pouvoir être repris par CarPostal. Nous sommes toutefois inquiets pour les lignes du Jura bernois et des collègues assurant ces prestations. Du personnel administratif et de maintenance est aussi concerné. Leur avenir reste flou. Personne ne doit y perdre des plumes. Nous y veillerons. La situation n’est pas évidente», réagit Jean-Pierre Etique, secrétaire syndical du SEV. Une trentaine d’emplois sont menacés selon le syndicat.
Des économies sur le dos de qui?
«Cette mise au concours à l’objectif purement politique aura coûté énormément d’argent, de temps et d’énergie à de nombreux acteurs. Elle aura surtout créé de l’inquiétude chez les employés que l’on a traités comme quantité négligeable, déplore le vice-président du SEV, Christian Fankhauser, qui ne peut s’empêcher de s’interroger: «Sur le dos de qui les commanditaires feront-ils des économies?» Cette libéralisation visait officiellement un double but: «Améliorer la compétitivité du point de vue du prix et de la qualité». «Ces objectifs sont intégralement atteints», assure le gouvernement dans son communiqué. Dès 2020, les subventions des collectivités publiques diminueront de 20%, soit environ 4 millions de francs par année sur dix ans. La facture pour le canton et les communes du Jura baissera d’un million. Dans le même temps, les prestations de transports augmenteront de 7%. «J’imagine que des économies pourront sans doute être réalisées en faisant la chasse au temps improductif. Mais cela ne devrait toutefois pas suffire. CarPostal avait besoin de remporter la mise au concours et peut se permettre d’essuyer des pertes dans un canton. Nous obtiendrons des réponses dans les années qui viennent», estime Christian Fankhauser.
Les perdants du concours ont encore la possibilité de déposer un recours. L’adjudication ne sera officiellement prononcée par l’OFT qu’en août 2021.
Une autre bagarre se déroulera à ce moment-là en Valais. Suivant l’exemple jurassien, le Canton a en effet annoncé un appel d’offres pour ses lignes sous concession.